Sous-location de terres agricoles: ces Belges qui exploitent les terres picardes

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La qualité des terres du Nord est très recherchée par les Belges. (Photo d’archives Cécile LATINOVIC)
Le Courrier Picard | 02/04/2019

Sous-location de terres agricoles: ces Belges qui exploitent les terres picardes

Pourtant interdite, la sous-location de terres agricoles à des exploitants belges se répand dans les Hauts-de-France. Une pratique qui inquiète les autorités et le monde agricole.

C’est une scène de plus en plus courante dans les champs de Picardie. Aux quatre coins de la région, des remorques remplies de pommes de terre et immatriculées en Belgique sont aperçues quittant des parcelles. Ce phénomène, d’abord circonscrit à la frontière, est aujourd’hui très répandu dans les trois départements picards. « On voit arriver des gens sur des terres qui ne leur appartiennent pas, confirme Sylvain Versluys, président de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), des Hauts-de-France, organisme dont le rôle est de réguler le marché des terres agricoles. Le phénomène a débuté dans le Nord, puis le Pas-de-Calais, avant de s’étendre à la Somme, l’Aisne, et désormais l’Oise, jusqu’aux portes de Paris. C’est un vrai problème, et une grosse préoccupation. »

Ce problème, c’est celui de la sous-location des terres agricoles. Interdite, la pratique se répand pourtant, et notamment dans les régions frontalières, pour des raisons relativement simples. « Le phénomène est aussi constaté dans le sud de la France, à proximité de l’Espagne, poursuit Sylvain Versluys. En Belgique, il n’y a pas assez de terres pour répondre à la demande, et notamment pour faire tourner les usines, ils vont donc chercher ailleurs. »

Une terre en sous-location peut rapporter plus de 1 200 euros l’hectare

Ailleurs, mais pas n’importe où. Car si la proximité géographique est un argument de choix, la qualité des terres du Nord, et de Picardie, principale région productrice de tubercules, est évidemment très recherchée par les Belges, qui n’hésitent pas à mettre le prix. Des opportunités extrêmement tentantes pour des agriculteurs français, qui sous-louent des terres jusqu’à 1 200 euros annuels par hectare, contre 120 à 180 euros en moyenne. « Il y a une forte demande de pommes de terre dans le monde entier, portée par les surgelés et les chips, précise Romain Cools, de l’association belge des professionnels de la filière. Pour beaucoup de producteurs du nord de la France, les relations commerciales avec des actuaires belges qui font des contrats de culture sont une opportunité. »

Pour les exploitants qui pratiquent cette sous-location dans l’illégalité, l’intérêt est donc avant tout économique. Cela permet à certains d’améliorer leurs maigres retraites, mais également de maximiser l’utilisation de leurs terres, sans se charger des cultures. Mais les Belges ne sont pas les seuls à avoir recours à cette pratique. Interrogé par l’AFP, un agriculteur français explique pourquoi il utilise également ce procédé. « Je fais attention à mes rotations, et je n’ai pas une grosse exploitation donc, mon truc, c’est de cultiver chez les autres, les mettre en stockage chez moi pour avoir une valeur ajoutée plus importante.  »

Des dizaines de milliers d’hectares seraient concernés dans les Hauts-de-France, selon les estimations fournies à la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf). Une évolution qui soulève des inquiétudes d’ordre économique et foncier, mais également sanitaires. Certains producteurs français se demandent si les Belges utilisent bien les produits phytosanitaires autorisés en France. Jusqu’ici, les rares contrôles réalisés par la Draaf, le plus souvent sur dénonciation, n’ont pas permis de prouver le contraire, et les plans importés étaient conformes au passeport phytosanitaire européen.

FABRICE JULIEN
Un sous-loueur risque la résiliation de son bail et le paiement de dommages et intérêts

L’article L. 411-35 alinéa 5 du code rural interdit au preneur de sous-louer ses terres à un tiers. Cette interdiction s’applique quels que soient ses motifs, sa durée et son étendue, dès lors que l’agriculteur demande une contrepartie. La jurisprudence en la matière, abondante, relève d’une appréciation des faits. Les juges ont notamment qualifié de sous-location prohibée la mise à disposition de terres louées au profit d’un tiers en vue de la production de pommes de terre, sans que le preneur ne réalise aucune façon culturale et ce, moyennant une somme forfaitaire (Cour de cassation, 18 décembre 2002). L’interdiction de sous-louer étant une règle d’ordre public, l’introduction d’une clause dans le bail pour l’autoriser serait nulle. Le preneur principal encourt la résiliation de son bail, même si la sous-location n’est que partielle ou qu’elle a cessé avant le procès que lui a intenté le propriétaire. Il peut aussi être condamné au paiement de dommages-intérêts résultant de l’inexécution du bail.
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