Le gouvernement brésilien va-t-il en finir avec la loi sur la propriété terrienne ?

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Des environmentalistes et communautés craignent les consequences d'une modification de la loi de 2010 sur l'achat des terres agricoles par les étrangers (Photo: Daniel Kfouri/NYT)
Dialogo Chino | 22 janvier 2019 [EN]

(Traduit de l'anglais par GRAIN)

Le gouvernement brésilien va-t-il en finir avec la loi sur la propriété terrienne ?

par Karla Mendes
 
Le groupe Chongqing Grain, propriété de l’état chinois, a causé de nombreux remous en 2010. Lors d’un voyage au Brésil, en compagnie de celui qui était alors le Président de la Chine, Mr Hu Jinto, la compagnie avait déclaré son intention d’investir 300 millions de dollars US dans la production de soja dans l’état de Bahía.
 
Le projet faisait partie d’une série de promesses d’investissements. Il était l’un des signes du rapprochement entre la Chine et le Brésil. Pourtant, la réaction du Brésil est venue y mettre un terme.

Cette année, le bureau du Procureur général au niveau fédéral a restreint l’achat de vaste étendue de terre par des investisseurs étrangers, en s’appuyant sur une nouvelle règlementation qui préserve la souveraineté nationale pour des secteurs stratégiques de l’économie.

Depuis, nombreuses ont été les pressions pour réformer la règlementation. Investisseurs et certains politiciens espèrent que le nouveau gouvernement brésilien contournera la décision du gouverneur général. Ils doivent néanmoins faire face aux oppositions croissantes de factions nationalistes et de groupes environnementaux arguant que l’assouplissement de la règlementation exposerait des biomes de grande valeur à la déforestation. 
 
Quand la Chine fait pression

Les pressions pour ouvrir le marché foncier proviennent principalement de Chine. La demande croissante de biens alimentaires et l’actuelle ‘guerre’ commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ont eu pour conséquence l’augmentation des importations de marchandises en provenance de ses autres partenaires commerciaux. La Chine est le principal acheteur du soja brésilien. La demande pour les autres produits agricoles augmente également. La Chine est également le principal importateur de bœufs et porc brésiliens.
 
La possibilité d’acheter des terres au Brésil permettrait aux courtiers en grain chinois de contrôler les lignes de production, d’éliminer les intermédiaires et maintenir des coûts bas.
 
D’après Charles Tang, président de la chambre de commerce sino-brésilienne (CCIBC), « Le Brésil a perdu 100 milliards de dollars d’investissements étrangers ces dernières années à cause de cette interdiction ».

Tang, qui va bientôt aller à Brasilia pour discuter de ce problème avec le cabinet du Président Jair Bolsonaro, ajoute : « Le monde entier veut attirer les capitaux et le Brésil s’accorde le luxe de les rejeter ».  

D’autres considèrent au contraire que mettre un terme à la restriction de la propriété par des investisseurs étrangers pourrait être catastrophique pour le pays. Cela pourrait en effet faciliter la destruction de ressources naturelles, contraindre à des déplacements de populations rurales et générer des conflits.
 
« L’accaparement des terres par des investisseurs étrangers serait un désastre. Cela commence par le besoin d’augmenter la productivité, augmenter les richesses, stimuler le développement, mais l’argent ne reste pas ici. » dit Bernardo Mançano Fernandes, professeur de géographie à l’université de l’état de Paulista (UNESP).
 
Mançano, qui dirige un groupe de recherche sur la propriété foncière étrangère, affirme que seulement les propriétaires terriens et investisseurs tireront avantage du changement de la règlementation. Pour les communautés locales, il n’y aura qu’appauvrissement et précarisation. 
 
« Il s’agit d’un modèle qui exploite sans bénéficier aux populations locales » ajoute-t-il.
 
La région du Cerrado menacée

La version finale de la proposition de loi proposée par Newton Cardoso Júnior du parti politique ‘Brazilian Democratic Movement’ (MDB), lève toutes les restrictions à l’acquisition de terres par des entreprises étrangères, à l’exception de l’Amazonie. La loi exige que 80% de la plus grande forêt tropicale du monde soit entourée de zones protégées.    

En effet, selon cette loi, les entreprises étrangères ne peuvent pas posséder plus de 49% des parts d’une entreprises ayant des terres en Amazonie. Toutefois, cette limitation ne couvre pas l’achat de terre la production d’électricité ou l’exploitation minière. 

C’est au Cerrado, une savane d’environ 200 million d’hectares qui s’étend jusqu’au centre ouest du Brésil, qui l’agrobusiness prend le plus son essor. C’est sur ce territoire que les plus grands impacts de cette loi se feront sentir d’après Lorena Izá Pereira, chercheuse à l’UNESP.

Et de continuer : « La région du Cerrado sera la plus impactée parce qu’elle n’est pas reconnue comme ‘héritage nationale’ par la Constitution Brésilienne ».  
 
Souveraineté ou investissements ? 
 
Au sein du gouvernement, la plus grande résistance à la vente des terres à des investisseurs étrangers vient du président Bolsonaro lui-même, qui a fait campagne sur fond de nationalisme anti chinois. Les membres du Congrès ayant discuté avec Diálogo Chino disent que Bolsonaro considère que mettre un terme aux restrictions viendrait affaiblir la souveraineté nationale.
 
Cependant, le caucus de l’agrobusiness, l’une des forces politiques les plus puissantes à soutenir la campagne de Bolsonaro, est en faveur de la nouvelle loi. 

Cardoso Júnior affirme que les discussions avec le Ministère de l’agriculture sur le changement de la loi ont déjà débutées et qu’elles reprendraient en février. Il ajoute que les appuis issus de l’agrobusiness au gouvernement et le Ministre de l’économie Paulo Guedes pourraient changer la position du Président compte tenu de la portée des nouveaux investissements.
 
« Si des capitaux internationaux doivent financer quelque chose, il faut mettre en place de garanties. Cette garantie pourrait être la terre elle-même ».

Depuis que les sources de financements nationales s’avèrent couteuses, le recourt à des crédits pour l’agrobusiness pourrait être un élément de marchandage dans les négociations avec le Président, considère Cardoso Júnior. Il admet toutefois que cette décision pourrait être difficile à prendre pour Bolsonaro.

« Nous devons lui présenter une option juridiquement sûre tout en garantissant la souveraineté » estime Cardoso Júnior. « Je suis convaincu qu’il pourrait mettre un terme aux restrictions s’il pensait qu’elles ne présentaient aucun danger ».
 
Au vu des restrictions actuelles, des entreprises étrangères se sont retenues d’investir d’importantes sommes sur le marché des terres du Brésil. Mais avec l’aide de cabinets d’avocat brésiliens, certains d’entre elles ont réussi tirer parti de brèches juridiques ou utiliser des accords avec leurs actionnaires leur garantissant l’accès aux terres.
 
Pour autant, cette situation créée une insécurité et n’incitent pas les entreprises à officiellement déclarer des terres.
 
Parmi l’une de ses premières mesures prises en tant que Président, Bolsonaro a transféré au Ministère de l’agriculture la compétence de délimiter les terres des indigènes et des Quilombolas. Nombreux sont ceux qui voient dans cette décision une concession accordée à l’agrobusiness et une menace sérieuse pour les communautés.

D’après Richard Torsiano, ancien directeur de l’institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA), le gouvernement prépare d’ores et déjà la fin de ces restrictions.
 
Cependant, des factions militaires nationalistes au sein du gouvernement, 6 su 22 cabinets ministériels sont issus de l’armées, s’opposent à la loi.
 
Tang estime que si les restrictions sont annulées, les investissements chinois pourraient s’élever jusqu’à 2 milliards de dollars par an, pouvant même atteindre jusqu’à 10 milliards.
 
Pour Cardoso Júnior, l’exploitation forestière pourrait ramener entre 30 et 40 milliards au Brésil si les insécurités juridiques relatives aux terres étaient résolues.
 
« Nous voulons voir le Brésil ouvrir ses portes aux investissements et à la création d’emplois. Si la question des terres venait à se stabiliser, le pays recevra beaucoup d’investissements. Aujourd’hui, le secteur rural est stratégique pour le pays ».

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