Les paysans dépossédés de leurs terres

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Tous les dix ans, l’équivalent d’un département français en terres agricoles disparaît au profit de l’urbanisation. Photo Pierre HECKLER
Dernière Nouvelles d'Alsace | 20.2.2018

Les paysans dépossédés de leurs terres

Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terres échappent aux agriculteurs français, du fait de la poursuite de l’urbanisation et de leur vente à des investisseurs étrangers.

La France a longtemps craint que ses prés à vaches finissent bétonnés par une urbanisation galopante. À juste titre. Pendant quatre décennies, jusqu’au début des années 2000, la surface agricole utile (SAU) du pays a été grignotée par les villes. Tous les sept ans, l’agriculture perdait en surface l’équivalent d’un département français. C’est un tous les dix ans désormais, soit 45 000 à 50 000 hectares de terres qui ne sont plus exploitables chaque année.

Un rythme qui a certes ralenti mais reste à un niveau préoccupant. « Chaque mètre carré que l’on prélève encore est un mètre carré que l’on ne retrouvera jamais. Or, l’agriculture française a des besoins pour l’avenir », analyse le député (LR) du Jura, Jean-Marie Sermier, lui-même issu de la viticulture.

Sous l’effet d’une législation toujours plus contraignante et du ralentissement de l’économie française, la consommation de ces terres a décru mais l’objectif de la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 qui visait une réduction par deux de cette consommation n’est toujours pas atteint. Nous n’en sommes qu’à 40 %. Beaucoup de maires continuent de construire des lotissements ou des zones commerciales en périphérie d’agglomérations pour attirer une population nouvelle et souvent au détriment de centres bourgs qui dépérissent. « C’est un vrai problème », explique le député socialiste (Nouvelle Gauche) de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, agriculteur de métier, qui a fait de ce sujet foncier son cheval de bataille, tout en reconnaissant que des avancées sont en cours : « Dans ma circonscription, on a réussi, grâce au Schéma de cohérence territoriale (SCOT) et bientôt grâce au Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), à limiter la concurrence entre les communes ».

Une nouvelle loi foncière

La prochaine loi foncière promise par le gouvernement Philippe devrait aller encore plus loin dans ce sens pour encourager la réutilisation des surfaces urbanisées existantes. L’enjeu est d’autant plus important que le phénomène se conjugue avec celui du rachat des exploitations agricoles par des investisseurs étrangers, une forme d’accaparement des terres comme on le connaît à Madagascar par exemple. « Les Chinois, les Saoudiens et bientôt les Indiens s’intéressent de très près à notre foncier », prévient Jean-Marie Sermier. À travers des montages juridiques assez simples, ils parviennent à mettre la main sur des domaines entiers qui échappent totalement aux agriculteurs et au savoir-faire agricole français. Ce, en toute légalité et en faisant, au passage, exploser les prix du marché. « Il faut dire que le foncier, malgré son augmentation ces dernières années, reste très abordable en France contrairement à d’autres pays européens », analyse Dominique Potier. « Pour ces pays, acheter des terres en France, c’est acheter de l’espace mais c’est aussi s’offrir une marque », complète Jean-Marie Sermier : « Il faut pour en finir avec cela durcir la loi. Qui pourrait imaginer vendre le château de Versailles ou la Tour Eiffel ? Les terres qui permettent de produire le camembert ou le comté doivent être protégées au même titre que le reste de notre patrimoine ». Mais les deux parlementaires savent que la première résistance, avant même celle des défenseurs du libéralisme, sera interne à la profession : beaucoup d’agriculteurs sans successeur ni pécule voient d’un bon œil l’arrivée sur le marché de ces investisseurs fortunés qui peuvent leur assurer une belle prime pour la retraite.
  •   DNA
  • 20 February 2018

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