Terres agricoles : la ruée vers l'Est et ses ratés

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Le Monde.fr |

Terres agricoles : la ruée vers l'Est et ses ratés

Par Mathilde Damgé

Nouvel épisode à rebondissement pour Charles Beigbeder. Après le fiasco Poweo et la liquidation judiciaire de Happytime (société commercialisant des coffrets cadeaux), l'homme d'affaires, frère de l'écrivain, a annoncé, vendredi 3 mai, qu'il associait ses fermes en Ukraine à celles de son concurrent Harmelia, contrôlé par un fonds américain, le texan SigmaBleyzer (SBF).

Selon les termes de ce projet, l'opération conférera à SBF 62 % du capital du nouvel ensemble. Le Français perd donc le contrôle de l'entreprise, qui double de taille. L'ambition est à l'avenant : produire 400 000 tonnes de céréales par an.

"Dans la nouvelle donne mondiale de l'agriculture, et pour répondre au défi de nourrir la planète, des investissements colossaux sont nécessaires. Une des réponses incontournables est la constitution de grandes agro-holdings internationales capables de mobiliser les savoir-faire et les capitaux nécessaires", a expliqué le président du conseil de surveillance d'AgroGeneration.

Fondée il y a cinq ans dans les terres noires d'Ukraine, AgroGeneration revendique pourtant déjà l'exploitation de quelque 50 000 hectares dans l'ancienne république soviétique et 16 000 en Argentine, autre grenier à grain de la planète où des terres restent à prendre. Las, l'entreprise n'a pas réussi à convaincre les investisseurs et le cours d'AgroGeneration a dévissé, perdant plus de 14 % en un an. Preuve que la ruée vers l'Est n'est pas toujours l'eldorado imaginé par les financiers apâtés par la hausse des cours des matières premières agricoles.

INTERROGATIONS SUR LA FIN DE L'ELDORADO

L'argument avancé par AgroGeneration pour justifier une année 2012 dans le rouge (avec une perte nette de 5,6 millions d'euros) sont les aléas de la météo et notamment une forte humidité durant la récolte (tandis qu'Harmelia pâtissait d'une forte sécheresse). "Les conditions climatiques pouvant être très différentes sur une même année entre l'est et le nord-ouest [de l'Ukraine], le nouvel ensemble bénéficiera d'une diversification géographique naturelle, atténuant d'autant son facteur météosensible", explique le communiqué.

La mondialisation des échanges et le rôle accru des négociants (lesquels intègrent désormais de plus en plus le volet production) pousse en effet à la concentration. Il s'agit donc, explique AgroGeneration, "d'atteindre la taille critique indispensable à l'optimisation des opérations agricoles et des marges".

La ruée sur les terres agricoles ne connaît cependant pas de répit dans les pays de l'ancien bloc de l'Est. En Roumanie, cinquième pays de l'Union européenne en matière de surfaces agricoles, au moins 700 000 hectares (6,5 % des terres arables) seraient aux mains d'investisseurs étrangers, selon les chiffres obtenus par l'AFP auprès de l'association roumaine EcoRuralis.

QATAR, ARABIE SAOUDITE ET LIBAN

"Dans le sud du pays, ce sont surtout des investisseurs venus de pays arabes, du Qatar, d'Arabie saoudite, et aussi un fonds d'investissement libanais", souligne Stéphanie Roth, coordinatrice de la campagne Good Food Good Farming d'Ecoruralis. Le blé et le maïs qui y sont produits partent directement à l'export, insiste-t-elle.

Les investisseurs britanniques ne sont pas en reste, comme l'a montré le mariage au début du mois mars de Mintridge International, société d'investissement tournée vers la Pologne et la Roumanie, avec le fonds privé Velcourt (l'un des plus riches propriétaires agricoles au Royaume-Uni), qui dit attendre de cette union de solides bénéfices, estimant notamment que l'hectare pourrait voir son prix tripler.

Car, parfois, les investisseurs achètent vraiment la terre (environ 2 500 euros l'hectare en Roumanie, soit deux fois moins qu'en France). Ils la louent ensuite, en attendant de la revendre. En Pologne, le goupe d'investissement Kinnevik a ainsi annoncé mardi la vente des 6 700 hectares qu'il exploitait depuis treize ans.

Le fonds estime pouvoir tirer profit d'une "amélioration substantielle de la valeur du bien" selon les termes de son directeur, David Cousins. Au cours des trois dernières années, le prix de la terre en Pologne a augmenté de 25 %, selon le consultant Brown & co.

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