5ème Conférence Ministerielle de l'OCI sur la sécurité alimentaire - discours du secrétaire général

Le Pr. Ekmeleddin Ihsanoglu (Turquie)

28/10/2010

Discours de S.E. le Prof. Ekmeleddin Ihsanoglu, Secrétaire général de l’OCI, à la 5ème Conférence Ministerielle de l'OCI sur la sécurité alimentaire et le développement agricole

Khartoum, Republique Du Soudan,

26-28 Octobre 2010

Bismillahi arrahmani arrahim

Votre Excellence M. le Président Omar Hassan Ahmad EL-Bashir,

Messieurs les Ministres et Chefs de délégation,

Honorables Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Assalamou alaykoulm wa rahmatoullahi wa barakatouhou

Je suis très heureux de prendre la parole devant cette auguste assemblée d’éminents décideurs politiques et d’acteurs de premier plan pour aborder la question de la sécurité alimentaire et du développement agricole à l’échelle des pays de l’OCI. Qu’il me soit permis, tout d’abord, d’exprimer ma sincère gratitude à S.E. le Président Omar Hassan Ahmad EL-Bashir, pour son aimable appui et son patronage, qui ont grandement facilité les excellentes dispositions prises en vue de tenir cette réunion réellement très importante.

Cette conférence est en effet la seconde réunion à caractère économique à être organisée sous le haut patronage du Soudan en l’espace d’une année seulement. Au mois de décembre dernier, les Ministres du transport de treize Etats membres de l’OCI s’étaient rencontrés ici même à Khartoum pour se mettre d’accord sur les modalités de mise en œuvre du projet de ligne ferroviaire Dakar-Port soudan, un projet qui porte en lui la promesse d’un rétablissement de la route qui reliait jadis l’Est et l’Ouest africains aux autres contrées de sous régions arabe et asiatique du vaste monde musulman. Le soutien du Soudan à ces activités de l’OCI témoigne clairement de la détermination et de la volonté du Président, du Gouvernement et du peuple soudanais d’encourager les mesures qui sont en train d’être prises en vue de booster la coopération économique et l’intégration régionale parmi les 57 Etats membres de l’OCI.

Plus particulièrement, notre appréciation de ce geste de sollicitude de la part du Soudan s’explique également par le fait que cette conférence, qui est la cinquième d’une série de réunions sur la sécurité alimentaire et du développement agricole dans les pays de l’OCI, intervient quinze ans après une réunion ministérielle similaire qui avait été organisée à Téhéran, en République islamique d’Iran, au mois de janvier 1995. J’en suis d’autant plus aise pour prendre acte de ce moment historique, marqué par la relance de ce dossier combine crucial de la sécurité alimentaire et du développement agricole, qui a pour théâtre cette ville historique de Khartoum. Notre rencontre d’aujourd’hui dénote indéniablement du nouvel état d’esprit et du degré de professionnalisme qui ont permis à notre Organisation de se hisser à la place de choix qui lui sied en tant qu’acteur international incontournable sur la scène politique et socioéconomique.

Je suis heureux de rappeler que depuis l’adoption du programme d’action décennal par le 3ème sommet extraordinaire en 2005 à la Mecque, le dossier de l’éradication de la pauvreté et le bien être des couches démunies et vulnérables parmi les populations des pays de l’OCI bénéficie de la primauté absolue sur l’agenda de la coopération économique de l’OCI. Parallèlement aux réponses globales au problème du nombre grandissant des affamés et des exclus et aux effets dévastateurs de ce phénomène, les dirigeants de l’OCI ont décidé de redoubler d’efforts pour apporter l’aide et les secours dont les populations des Etats membres de l’OCI ont cruellement besoin. A cet égard une décision de la 35ème session du CMAE, tenue à Kampala, en Ouganda, en 2008, avait appelé à la convocation d’une session ministérielle spéciale pour délibérer sur l’impact des diverses crises mondiales sur la sécurité alimentaire des Etats membres de l’OCI.

Excellences,

Honorables ministres,

Distingués délégués,

Le développement agricole et la sécurité alimentaire se trouvent au cœur des activités de l’OCI dans le domaine de la réduction de la pauvreté, du renforcement des capacités et du redressement socioéconomique. L’agriculture a toujours joué un rôle crucial en tant que moyen de subsistance et de nutrition mais aussi en tant que générateur d’emplois pour l’écrasante majorité des populations vivant dans les pays de l’OCI. En conséquence, améliorer la productivité de l’agriculture se traduira forcément par une amélioration conséquente du bien être général des couches démunies et vulnérables, tout en contribuant à conjurer le spectre de la faim et de la famine qui menace les populations des pays de l’OCI.

L’agriculture emploie aujourd’hui plus de 573 millions d’individus, soit 40,8% de la population totale des pays de l’OCI. Sachant que, dans les pays de l’OCI, plus de 771 millions de personnes vivent en milieu rural et que l’agriculture compte pour une moyenne de 11,5% du produit intérieur brut de ces pays, l’objectif d’une croissance économique rapide pourrait être plus facilement atteint en mettant davantage d’accent sur la production agricole durable.

En dépit de leurs activités agricoles intensives, la plupart des Etats membres de l’OCI sont encore considérés comme des pays souffrant d’un déficit alimentaire net. Près de 27 pays de l’OCI ont ainsi enregistré un indice agricole inférieur à la moyenne mondiale. Les importations alimentaires totales de l’OCI se sont chiffrées, en 2007, à la somme de 96,7 milliards de dollars, ce qui correspondant à 10,8% du volume global des importations mondiales. Les statistiques montrent également qu’une augmentation annuelle moyenne de 10 milliards de dollars est enregistrée par les pays de l’OCI en tant que déficit d’importations alimentaires. Ce déficit annuel contribue à aggraver les problèmes persistants de la balance de paiements rencontrés par les pays de l’OCI, comme les diminutions drastiques du quantum des fonds publics disponibles pour d’autres secteurs sociaux et d’autres pans importants de l’économie, à l’instar de l’éducation, de l’habitat, de la santé et de l’assainissement. Le fossé béant entre l’offre et la demande en termes de produits alimentaires dans les pays de l’OCI a rendu ces pays vulnérables au renchérissement des cours internationaux des denrées alimentaires, même si l’aide publique au développement et les transferts monétaires similaires ont continué à décliner dans des proportions dramatiques.

Excellences,

Honorables ministres,

Cette conférence pourrait examiner les diverses conséquences du lourd déficit alimentaire sur les économies des pays de l’OCI à la lumière des challenges socioéconomiques liés à ce phénomène global. Le fardeau de la facture des importations alimentaires, qui ne cesse d’augmenter du fait de la volatilité des cours internationaux, le financement inadéquat des infrastructures socioéconomiques et des services cruciaux, la pénurie de l’eau consécutive aux aléas climatiques et la dégradation des sols, de même que les conflits politiques liés à la faim, sont autant de questions qui appellent une attention urgente de la part de cette auguste assemblée. Avec un tiers des pays de l’OCI appartenant à la catégorie de PMA et avec l’érosion continue de la part de l’agriculture dans l’aide internationale au développement, qui a été ramenée à un tiers environ de son niveau des années 70, la problématique de l’accès à l’alimentation, à la sécurité nutritionnelle et au droit à l’alimentation devient particulièrement cruciale dans l’optique de tout régime durable de sécurité alimentaire.

Je considère pour ma part que la tâche qui attend cette conférence revêt une urgence extrême. Je me réjouis de noter à cet égard qu’une série d’activités ont été organisées tant au niveau des experts qu’à celui des hauts fonctionnaires pour réfléchir sur les voies et moyens permettant de résoudre le problème chronique de l ‘insécurité alimentaire et nutritionnelle des pays de l’OCI. Les trois réunions sur la sécurité alimentaire organisées récemment à Djeddah, en Arabie Saoudite, en mai 2010 et à Antalya et Izmir, en Turquie, au mois de septembre dernier, respectivement, avaient donné le ton pour le déroulement de cette importante session. Les recommandations issues des deux sessions de brainstorming tenues pendant la réunion du conseil des gouverneurs de la BID en juin 2010 à Bakou et pendant la 26ème session du COMCEC en octobre 2010 à Istanbul, auront également permis de baliser le terrain.

Fait encore plus significatif, tous les évènements susmentionnés n’avaient pas manqué d’insister, entre autres, sur la nécessité d’un cadre global pour l’agriculture, le développement rural et la sécurité alimentaire des Etats membres de l’OCI, qui intégrerait les programmes et projets pré-identifiés dans les secteurs essentiels, avec des échéanciers, des calendriers et des repères précis, et avec l’accompagnement des pays leaders, des institutions multilatérales de développement et des organisations régionales et internationales compétentes.

Dans ce même esprit, je suis heureux d’informer cet auguste auditoire des partenariats techniques en cours entre l’OCI d’une part et la FAO et le FIDA d’autre part, et qui portent sur la sécurité alimentaire. Ces mesures majeures et pratiques sont destinées à étayer solidement les différents processus nationaux de sécurité alimentaire dans les pays de l’OCI. Il est également agréable de noter que la collaboration récente avec la FAO sur la gestion durable de l’eau dans le contexte de la sécurité alimentaire des Etats membres de l’OCI appartenant à la région MENA, constitue un exemple éloquent en matière de partenariat mutuellement avantageux pour la réalisation des objectifs que nous nous sommes assignés.

De son côté, le COMCEC a établi, en coopération avec la FAO, une taskforce sur la sécurité alimentaire pour mobiliser les fonds requis en vue de la mise en œuvre des programmes de sécurité alimentaire de ses pays membres. En juin 2008, la BID avait lancé sa fameuse initiative ou Déclaration de Djeddah, dotée d’un capital de 1,5 milliard de dollars, pour aider les pays membres de l’OCI les moins avancés à accroitre leur production agricole et à créer des stocks adéquats de céréales.

Je me dois, par conséquent, d’inviter cette conférence à mettre en pratique les recommandations issues de ces différentes instances et relatives à la sécurité alimentaire et au développement agricole, et à adopter des mesures pratiques pour remédier aux conséquences de l’insécurité alimentaire dans les pays de l’OCI.

Pour pouvoir obtenir rapidement des résultats, nous devrions encourager l’appropriation nationale des processus de sécurité alimentaire, tout en concentrant nos efforts sur l’harmonisation des politiques commerciales et tarifaires dans l’intérêt de la croissance économique et du développement collectif de nos pays. De même, nous devrions conclure un arrangement de partenariat entre les pays disposant de terres et de ressources naturelles et agricoles abondantes et les pays disposant de capitaux en vue de remédier à la pénurie chronique des investissements dans l’agriculture commerciale. De surcroit, nos décideurs pourraient envisager d’augmenter leurs dépenses publiques dans le domaine de l’agriculture et du développement rural afin de stimuler l’investissement. Cette conférence pourrait aussi se pencher sur la question de la volonté politique dont nous avons tant besoin au moment où nous aurons à batailler pour traduire les multiples résolutions issues de cette conférence en actions concrètes dans le cadre du calendrier convenu.

Je suis heureux de relever ici la présence massive et la participation active de plusieurs agences économiques de l’OCI à cette conférence. Tout en leur exprimant nos sincères remerciements pour leur volonté tenace de promouvoir les récentes sessions dédiées au thème du développement agricole et de la sécurité alimentaire, j’aimerais insister sur l’importance qu’il y a à adopter une approche multilatérale pour l’élaboration, l’exécution et le suivi de nos programmes de sécurité alimentaire. A cet égard, j’aimerais également exprimer notre appréciation aux organisations internationales qui travaillent en partenariat avec l’OCI sur ce dossier. Il ne fait aucun doute que la Taskforce du COMCEC sur la sécurité alimentaire, pourrait, avec la participation agissante de la FAO, du FIDA et des autres agences de l’OCI, fournir l’assistance technique dont nous avons tant besoin pour la réalisation de nos objectifs.

Excellences,

Honorables ministres,

Distingués délégués,

Notre principal objectif est de sortir de la situation actuelle où le problème de la sécurité alimentaire est considéré comme un pur exercice d’assistance humanitaire. On a toujours dit que les efforts de mobilisation des fonds ont plus de chances d’aboutir dans les situations d’urgence qu’en temps normal. Le problème de la sécurité alimentaire dans les pays de l’OCI ne peut être résolu qu’à travers une planification adéquate et la mise en œuvre d’arrangements certes complexes mais néanmoins durables. Il s’agit, en l’occurrence, d’une question de droits sociaux à appréhender nécessairement en tant que droits fondamentaux des populations, avec des conséquences cruciales sur la dignité humaine, l’existence et l’harmonie sociopolitique. L’OCI doit prendre les devants pour veiller à ce que les rôles des organisations régionales, multilatérales et internationales soient soigneusement coordonnés afin d’étayer les divers processus nationaux de sécurité alimentaire. Une coordination adéquate des systèmes d’information et de données, de l’assistance technique, des systèmes d’alerte avancée, et des techniques de production alimentaire, est vitale pour le succès et l’aboutissement de ces efforts. L’OCI devrait ainsi s’assurer que son programme en cours sur le système de commerce préférentiel (TPS-OIC) accordera la priorité à l’élargissement des marchés alimentaires de l’OCI en vue de faire baisser les prix et, ce faisant, garantir un accès sans entraves à l’alimentation et à la nutrition pour les populations des pays de l’OCI.

Au moment d’ébaucher cette nouvelle trajectoire visant à promouvoir l’agriculture, le développement rurale et la sécurité alimentaire, permettez-moi de saluer le dévouement de nos hauts fonctionnaires et de nos experts, qui ont travaillé d’arrache-pied au cours des deux journées écoulées afin d’harmoniser les divers points de vue et propositions autour du thème de cette conférence. Je saluerais également nos honorables ministres pour l’intérêt réel qu’ils attachent aux résultats de nos délibérations dans l’espoir que ces résultats donneront une nouvelle impulsion à notre action en faveur de la sécurité alimentaire et ce dans l’intérêt général de la Oummah musulmane.

Je vous remercie de votre aimable attention.
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