L'« empreinte terres » des européens est l'une des plus importantes au monde

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Novethic | 14-03-2013

L'« empreinte terres » des européens est l'une des plus importantes au monde

Les niveaux de consommation élevés en Europe, qu'il s'agisse de produits alimentaires, textiles ou électroniques, impliquent une demande croissante de « terres incorporées » à leur fabrication, explique un récent rapport des Amis de la Terre. L'Europe est particulièrement dépendante des sols étrangers nécessaires à cette production.

L’appropriation directe ou indirecte de terres étrangères, fréquemment appelée « accaparement de terres » pour satisfaire des besoins alimentaires, a un corollaire direct, « l’empreinte terres », c'est-à-dire la mesure des « terres importées » nécessaires à la fabrication de nombreux produits. Le nouveau rapport des Amis de la terre consacré à ce sujet mesure la contribution des sols -au-delà de l’agriculture et de l’alimentation- pour l’étendre à la multiplicité d’objets du quotidien : le bois, les substances minérales requises pour la construction des habitations et des routes, ou encore les minerais nécessaires à la production d'objets tels qu'ordinateurs et téléphones portables. Cette empreinte fait donc la somme des terres dont un pays a besoin pour satisfaire sa consommation intérieure, déduction faite de celles consacrées aux produits d’exportation. Pour la mesurer, le rapport retrace donc le lien entre le produit, la ressource extraite, et les terres nécessaires à l'obtention du produit. Or ce calcul révèle que l'Europe dépend fortement des terres d'Etats étrangers et en premier lieu la Chine et l'Inde. Environ 40 % (120 millions d'hectares) des terres consommées chaque année par les européens sont en dehors de ses frontières, soit la surface de la Scandinavie. Les pays aux plus fortes importations de terres dans l'absolu sont l'Allemagne, avec 26 millions d'hectares et le Royaume-Uni, avec 23 millions ( le 1er pays « importateur » étant le Japon).

Les chiffres sont édifiants : l’Europe utilise 9 700 km2 de terres par personne, soit 44 % de plus que son propre domaine foncier, et un Européen consomme en moyenne 1,3 hectare (ha) tandis qu’un Chinois ou un Indien consomment 0,4 ha. La plus forte empreinte terres européenne est celle du lait cru (62 millions d'hectares par an), suivi par les produits laitiers et le blé (59 et 54 millions d'hectares par an). Au niveau mondial, la production de viande reste en tête ( 997 millions d'hectares par an), suivie par le lait cru (620 millions d'hectares par an).

9 milliards d’êtres humains en 2050

La dépendance de l’Europe a des conséquences écologiques et sociales : l’accaparement des terres direct ou indirect, le changement d’affectation sols - pour les agrocarburants au détriment de l’alimentation par exemple), notamment Ariadna Rodrigo, chargée de campagne aux Amis de la Terre Europe, donne des exemples précis : «l’empreinte terres d’une tasse de café est 4,3m², l’empreinte d’un ordinateur portable de 10m² et celui d’une voiture de 150m². » « Dès 2007, 40 % de « l’empreinte terres » de l’Europe se situait dans d’autres régions du monde, dont certaines ne parviennent pas à faire face aux besoins alimentaires et en ressources de base de leur propre population ». Or, ajoute le rapport, « ce chiffre n’inclut même pas les surfaces destinées à la sylviculture ni à la production de fibres végétales pour la fabrication de papier, de bois ou de fibres naturelles comme le coton ». Les principaux exportateurs nets sont la Chine, le Brésil et l’Argentine, dans des échanges commerciaux liés aux pâturages (247 millions d’ha), aux oléagineux (122 millions d’ha) et au blé (115 millions d'ha).

D’après la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), d’ici à 2050, la production agricole doit augmenter de 60 % à l’échelle planétaire et de presque 77 % dans les pays en voie de développement pour faire face à la croissance démographique mondiale et à l’augmentation de la ration calorique quotidienne, liée à l’élévation du niveau de vie dans les pays en développement. Si l’on s’en tient à des modèles de consommation inchangés, cela signifie qu’il faudrait de 71 à 300 millions d'hectares de terres agricoles pour nourrir le monde en 2050, avec comme conséquence une intensification de la concurrence entre les différents usages de la terre. Pour l’heure, 78 % des terres accaparées le sont pour la production agricole, dont les trois quarts pour des agrocarburants. Les 22 % restants se partagent entre extraction minière, industrie, tourisme et conversion des forêts, le marché de la compensation carbone jouant un rôle croissant dans l’accaparement de terres.

Elevage bovin, surconsommation et gaspillage alimentaire

La crise alimentaire de 2007-2008 et la spéculation financière accrue sur les matières premières ont par ailleurs intensifié l’accaparement du foncier ( voir notre article Oxfam demande à la Banque Mondiale de freiner l'accaparement des terres ) dans de nombreux pays en voie de développement. Pourtant le monde a de quoi se nourrir, rappelle le rapport des Amis de la Terre : les récoltes mondiales de céréales correspondent à 300 kg par personne et par an en moyenne. La vraie question est celle de l’accès à la nourriture des pays en développement, des gaspillages et de la surproduction. Selon la FAO, près du tiers des aliments (1,3 milliard de tonnes par an) sont en effet perdus ou gaspillés en cours de production, de transformation ou de consommation.

Consciente de cette dépendance, la Commission Européenne a publié en 2011 une feuille de route intitulée « Pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » . Un des objectifs est de prendre en compte cette empreinte terres dans les indicateurs européens mesurant l’utilisation des ressources, initiative soutenue par les principaux partis politiques au Parlement… mais inappliquée pour l’instant. Pourtant l'intégration des empreintes terres dans les politiques agricoles, énergétiques, commerciales et alimentaires semble aujourd’hui indispensable pour endiguer l’épuisement des ressources. Pour les acteurs économiques, c’est aussi un moyen d’évaluer les futurs coûts de leurs produits, les prix de ces ressources étant appelé inévitablement à augmenter.

Véronique Smée

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