'Accaparement des terres' à la mode péruvienne

ILC | 7 March 2011

 

by Fernando Eguren, Président de CEPES (Centro Peruano de Estudios Sociales)

Les États étrangers n’achètent pas de terres agricoles au Pérou, comme cela est le cas en Afrique et dans certaines régions d’Asie. Et bien que des sociétés multinationales y soient implantées, leur présence et leur importance dans les acquisitions de terres ont été plutôt marginales, du moins jusqu’à aujourd’hui.

Pourtant, l’accaparement des terres a bien lieu.

Avant la réforme agraire (1969-1975), la plus grosse ferme de la région côtière du Pérou –région où l’on trouve les meilleures terres agricoles, toutes irriguées -, ne dépassait pas les 30 000 hectares. Quarante ans plus tard, les nouveaux propriétaires de cette même ferme, une famille péruvienne, contrôlent plus de 60 000 hectares de plantations de canne à sucre. La loi sur la réforme agraire établissait qu’un propriétaire terrien privé peut posséder au maximum 150 hectares de terres irriguées. Depuis l’abrogation de la loi dans les années quatre-vingt-dix, on trouve désormais des dizaines de neo-latifundios (grandes exploitations nouvelles) de plus de 1 000 hectares, dont beaucoup sont constituées de 10 000 à 20 000 hectares de terres irriguées.

Et tout ça dans un pays où les terres agricoles sont rares, et où la plupart des petites parcelles sont divisées en sous-parcelles : presque 9 petites parcelles sur 10 font moins de 3 hectares ; dans un pays où 60 % de la population rurale est pauvre, et où 28 % vit dans une extrême pauvreté.

La frontière agricole s’étend dans deux directions : d’une part, les paysans pauvres des montagnes andines émigrent vers la forêt amazonienne, contribuant ainsi à la déforestation ; d’autre part, grâce à des investissements publics énormes, les terres désertiques de la côte sont irriguées, et cédées aux grands groupes et investisseurs. Ces terres sont entièrement vouées à des cultures marchandes de haute valeur destinées à l’exportation, et de plus en plus, à la production d’agrocarburants.

Contrairement aux décennies précédentes, par définition, ce processus de concentration des terres ne s’effectue pas de manière violente ou illégale. Cela n’est pas nécessaire : ces 15 dernières années, les gouvernements ont délibérément mis en place les institutions qui permettent de telles concentrations de terres. La législation de la réforme agraire a été complètement démantelée. L’orientation des nouvelles lois et des investissements publics favorise l’accaparement des terres.

Ce processus est partie intégrante de la concurrence mondiale pour les ressources naturelles.

L’accaparement des terres ‘traditionnel’ qui voit les États étrangers ou les multinationales acquérir des terres, ne représente qu’un mode parmi d’autres. L ‘accaparement des terres’ dans d’autres pays, y compris le Pérou, en est un autre : il est mené par les investisseurs domestiques, encouragés par les marchés agricoles internationaux à haute valeur marchande – produits ‘haut de gamme’ ou d’‘épicerie fine’ – et les agrocarburants, avec le soutien de leurs propres gouvernements. Les résultats de ces deux modes ne sont pas très différents : ils marginalisent tous les deux l’agriculture familiale, les communautés paysannes et les peuples indigènes.

  •   ILC
  • 07 Mar 2011

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