Sénégal : face aux acquisitions de terres agricoles, le défi des observatoires fonciers

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Cultures fourragères en pivot dans le delta du fleuve Sénégal. © Mohamadou Dieye - ISRA BAME

CIRAD 13 octobre 2023

Sénégal : face aux acquisitions de terres agricoles, le défi des observatoires fonciers

Analyser les dispositifs d’observation des dynamiques foncières au Sénégal et fournir à leurs acteurs des outils pour en améliorer l’impact : c’est le travail mené par le Cirad et ses partenaires sénégalais depuis plusieurs années et qui fait l’objet d’une série de publications. Dans un contexte de marchandisation croissante des terres arables, ces recherches contribuent à documenter les acquisitions foncières et leurs conséquences socio-économiques et environnementales.

Depuis la fin des années 2000, la ruée vers la terre par les investisseurs étrangers a laissé beaucoup de petits paysans sénégalais au bord du chemin. Dans un pays où l’agriculture, premier secteur d’emploi, mobilise près de 70 % de la main d'œuvre nationale mais contribue faiblement au PIB, l’État voit d’un bon œil l’arrivée d’investisseurs privés comme des agro-industries, pour favoriser le développement économique. 

« Côté société civile, le sentiment d’accaparement grandit, d’autant plus que certains investissements sont destinés à assurer la sécurité alimentaire de pays, comme l’Arabie Saoudite, moins bien dotés en ressources et en main d'œuvre compétitive », expose Jérémy Bourgoin, géographe au Cirad.

Plusieurs collectifs et ministères s’appuient sur des dispositifs de type observatoires, pour mesurer l’impact de projets et orientations politiques sur les espaces ruraux. Dans ce cadre, le Cirad accompagne un réseau de partenaires, dont l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), pour acquérir et traiter des données portant sur les investissements fonciers à grande échelle, contribuant ainsi au débat public. Ces observatoires visent à améliorer la gouvernance de la terre et ses ressources.

Identifier les dynamiques d’acquisition foncière à grande échelle

En partenariat avec l’Observatoire national de la gouvernance foncière au Sénégal, trois catégories principales d’acteurs sont identifiées dans les acquisitions foncières : la paysannerie sénégalaise, qui cultive de manière traditionnelle des terres acquises par héritage, les élites religieuses, politiques ou économiques locales, lesquelles commencent à s’intéresser aux cultures spéculatives rizicoles ou horticoles et enfin, les investisseurs étrangers. Ces derniers « sont peu nombreux mais cumulent le plus d’impacts », évalue Jérémy Bourgoin. En cause : la conversion d’espaces arborés, de zones de parcours et d’espaces pastoraux en terres agricoles et ses dommages sur la biodiversité, le climat et les moyens d’existence des communautés locales.

« En plus de contribuer à asseoir le sentiment d’accaparement par des données factuelles, nous démontrons que toute acquisition n’est pas synonyme d’accaparement ». Le géographe encourage le développement de « processus de concertation et de négociation avec contreparties réelles », qui existent déjà.

La télédétection au service de la gouvernance foncière

Que peuvent apporter de nouvelles méthodes d’analyse de données de télédétection dans l’identification des acquisitions foncières ? En observant notamment les changements dans la dynamique spatiale et temporelle du couvert végétal (anthropisé, cultivé, herbacé, ligneux, etc) via l’utilisation d’images satellite, l’équipe du Cirad développe des logiciels libres de détection et de cartographie des changements associés aux acquisitions de terre à grande échelle (ex. agro-industries, mines). A destination des acteurs de la gouvernance foncière, ces outils devraient faciliter le travail de recensement et de mise à jour des bases de données sur les transactions foncières.

Quelques chiffres

  • 46 % de la superficie du Sénégal sont des terres arables

  • 270 908 hectares sont gérés par des investisseurs étrangers, soit 3 % des terres arables

  • Plus de 50 % des transactions ont une superficie inférieure à 5000 hectares

  • Les investisseurs français et italiens sont engagés dans 9 transactions sur 19, soit 55 %

  • 77 % des transactions sont conclues pour la production d’agrocarburants

  • Les cultures vivrières concernent 28 % des projets mais 8 % de la superficie sous contrat 

  • Toutes les transactions conclues concernent des terres précédemment utilisées par des petits exploitants.

Références

Grislain, Q. and Bourgoin, J., 2023. Land observatories, discourses and struggles beyond the smokescreen. A case study in Senegal.

Scarpetta, Y.N., Lebourgeois, V., Laques, A.E., Dieye, M., Bourgoin, J. and Bégué, A., 2023. BFASTm-L2, an unsupervised LULCC detection based on seasonal change detection–An application to large-scale land acquisitions in Senegal.

Bourgoin, J., Diop, D., Jahel, C., Interdonato, R. and Grislain, Q., 2023. Beyond land grabbing narratives, acknowledging patterns and regimes of land control in Senegal.

  •   CIRAD
  • 13 October 2023

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