France : la finance va-t-elle investir les terres ?

Ouest-France 03/04/2024

Projet de loi agricole : la finance va-t-elle investir les terres ?

Le projet de loi d’orientation agricole, présenté ce mercredi 3 avril 2024 en Conseil des ministres, prévoit de créer des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). La Safer parle d’un risque de financiarisation.            

Guillaume LE DU

Dans les dix ans, la moitié des agriculteurs français aura atteint l’âge du départ à la retraite. Les pouvoirs publics cherchent à relever ce défi démographique dans le projet de loi d’orientation agricole, présenté ce mercredi 3 avril 2024 en Conseil des ministres.

Dans la boîte à outils : l’article 12, qui prévoit la création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Ces fonds d’investissement seront en mesure de faire appel à l’épargne pour racheter le foncier agricole et alléger le coût de transmission d’une exploitation agricole. Le ministre de l’Agriculture vise 100 millions d’euros par an.

« Dans les lycées agricoles, où je me suis rendue, la majorité des élèves ne sont pas issus du milieu agricole et ils n’ont aucune chance de s’installer à cause du coût des reprises », explique Vanina Paoli-Gagin, sénatrice de l’Aube (groupe Les Indépendants, République et Territoires), à l’origine d’une proposition de loi sur les GFAI, adoptée par le Sénat le 30 octobre 2023, et qui inspire l’article 12 du projet de loi. « Ce dispositif a très bien marché avec les groupements forestiers d’investissement (GFI) », soutient la parlementaire.

La crainte d’une inflation sur les terres
Un constat que ne partage pas la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural). « Le prix des massifs forestiers est en forte hausse, en déconnexion avec les cours du bois ». Le « gendarme » du foncier, privé du droit de préemption en cas de transmission partielle de GFAI, redoute la même inflation sur les terres agricoles. « Les groupements forestiers d’investissement achètent aujourd’hui de 20 à 30 % au-dessus des prix de marché », révèle Stéphane Hamon, directeur général de la Safer Normandie.

Pire. Dans un document d’analyse de février, la Safer révèle que « le dispositif ne cible pas explicitement l’installation. » Conséquence ? « La tentation sera de choisir le preneur en capacité d’assumer les fermages les plus élevés (baux de 25 ans non renouvelables, baux cessibles, NDLR) et le plus sécurisant. » Et pas forcément un jeune agriculteur…

La fiscalité favorable offerte aux GFAI leur donne aussi un « avantage concurrentiel sur l’achat direct par l’exploitant ».

« On ne vendra pas nos terres aux Chinois »
Emmanuel Hyest, le président national de la Safer, avait souligné, lors du dernier Salon de l’agriculture, un risque de financiarisation de l’agriculture. « Comme en Angleterre, où des sociétés d’investissement placent un gérant, pour exploiter une ferme, aidé de salariés agricoles… »

Les limites des GFAI seront fixées (plus tard) par décret en Conseil d’État.Dans le cas où ces GFAI seraient autorisés à détenir plusieurs milliers d’hectares, « les cessions se feraient entre grands gestionnaires de fonds, le jeune installé ne pourra jamais être propriétaire du foncier », explique Nicolas Agresti, directeur des études de la Safer.

Est-ce que la grande distribution, des grandes fortunes, seront tentées d’utiliser les GFAI et des SCEA (société civile d’exploitation agricole) pour contrôler le foncier et des unités d’exploitation agricole de grandes dimensions, s’interrogent les détracteurs. « On ne vendra pas nos terres aux Chinois. Arrêtons d’agiter les peurs », insiste la sénatrice Vanina Paoli-Gagin.

« L’objectif est de pouvoir attirer de nouveaux capitaux et de permettre à des jeunes de s’installer et d’investir dans du foncier. Le tout de manière sécurisée, une liste de catégories de personnes qui peuvent participer sera définie dans la loi», précise de son côté le cabinet de Marc Fesneau.

« Nous avons aujourd’hui suffisamment d’outils de portage du foncier  », martele Emmanuel Hyest. La Safer n’entend pas perdre la maîtrise du foncier dans un pays, la France, où le prix des terres, encore « contenu », attire les appétits. Société anonyme, sans but lucratif, la Safer dispose d’un réservoir d’investisseurs bailleurs et bientôt d’une foncière (Elan). Et des foncières privées ou associatives comme le Printemps des terres, Fermes En Vie ou Terre de liens, offrent aussi des solutions.

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