« Spéculer, c’est espérer », clame Olivier Combastet

Humanité | 19 avril 2011

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par Claude Baudry

Arte diffuse une longue et passionnante enquête d’Alexis Marant (Capa) sur un juteux business : l’achat des terres agricoles au nom du fric plus que de la bataille contre la faim.

Les crises alimentaires et financières de ces dernières années ont déchaîné une chasse aux terres cultivables et aux investissements. Mais ces derniers n’ont que faire des 9,2 milliards de bouches à nourrir sur la planète que les prévisions donnent pour 2050 (6,5 milliards aujourd’hui). Pour eux compte avant tout la rentabilité la plus forte. De fait, on assiste depuis quelques années à l’achat de terres agricoles en masse dans les pays du tiers-monde. Ce que le réalisateur de ce documentaire, Alexis Marant, appelle un « western moderne » va changer la face de l’agriculture mondiale. En 2009 par exemple, 50 millions d’hectares de terres arables ont été vendus ou loués à des investisseurs étrangers.

En 2008, l’achat par le sud-coréen Daewoo de 1,3 million d’hectares de terres à Madagascar, la moitié, ce qui entraîna la chute du jeune président Ravalomanana. À un moment où les aides publiques au développement dans l’agriculture se sont écroulées, les « fermiers du XXIe siècle » sont les porteurs de capitaux privés. Avec une sincérité déconcertante, Olivier Combastet, qui est à la tête de Pergam Finances, explique que, pour lui, « la spéculation est une activité naturelle de la vie humaine ». Et comme l’on n’avait pas compris, il ajoute : « Spéculer, cela veut dire espérer. » Depuis 2006, il a investi en Amérique du Sud, en Argentine, en Uruguay. Dans ce dernier pays, 30 % des terres appartiennent à des investisseurs étrangers. Combastet, il l’explique devant la caméra, a fait tester dans le nord de l’Argentine dix-huit variétés de maïs OGM par Monsanto afin de déterminer le plus rentable. Son objectif est avoué : « Il faut doubler les actifs que l’on achète sur une période de cinq ans », dit-il, en revendiquant de la flexibilité en ce qui concerne le personnel. En Éthiopie, l’investisseur a pour nom Ram Karuturi. Dans ce pays, on compte 80 % de paysans mais 20 % des terres arables sont cultivées. Le géant de la rose au Kenya cultive du riz basmati. Il a acheté à l’État une petite parcelle de 80 km sur 40 km, soit environ 320 000 hectares. S’il ne cultivait que du riz, il pourrait assurer 10 % de la production mondiale. Mais l’homme fait aussi dans l’huile de palme. Et paie 50 centimes d’euro le travailleur journalier sur son exploitation.

Aujourd’hui, un milliard de terriens – la moitié sont des paysans – ne mangent pas à leur faim. D’ici à 2050, il faudra doubler la production agricole. Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation des 
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), constate cette escalade mais rappelle : « La sécurité alimentaire du monde est assurée par des petits agriculteurs. » Selon la FAO, il faudrait 20 milliards d’euros pour éradiquer la faim sur la terre, soit 2,5 % du budget mondial de l’armement. 20 milliards, c’est aussi ce qu’ont investi ces fonds qui construisent ce « nouvel ordre mondial ».

 

Voir aussi www.arte.tv/planete-
a-vendre et dossier publié 
dans l’Humanité Dimanche.

 

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