La Terre, du 24 au 30 novembre 2009
Propos recueillis par Yannick Groult
Entretien. Les institutions internationales prônent un «code de conduite»pour encadrer les rachats de terres. Une solution qui n’améliorera pas le sort des pays pauvres, estime Devlin Kuyek, de l’ONG Grain.
La Terre: Quand avez-vous commencé à observer des achats massifs de terres agricoles?
Devlin Kuyek: Ce phénomène sans précédent a débuté avec la crise alimentaire, fin 2007-début 2008. Il y a d’abord eu des Etats, comme les pays du Golfe, qui cherchaient à sécuriser leur accès à l’alimentation. Puis les investisseurs privés ont suivi. C’est aujourd’hui une vraie tendance forte. Après la crise financière, les fonds d’investissements ont vu dans les terres agricoles une valeur refuge et
une opportunité de faire des profits, à court et à long terme. La Terre: Les institutions internationales comme la FAO semblent impuissantes… Devlin Kuyek: Au début, la FAO a eu des mots assez durs, puis elle a adouci sa position. D’un côté, elle est consciente de tous les problèmes liés aux rachats de terres. De l’autre, elle travaille à un code de bonne conduite et cherche à trouver des solutions «gagnant-gagnant». Elle a une attitude schizophrénique. La Terre: Pourquoi ? Devlin Kuyek: Il y a une réticence à rejeter l’argent en provenance du secteur privé. Sans oublier que les gouvernements des pays concernés sont très ouverts aux rachats de terres, même si les populations locales expriment une opposition totale.
La Terre: Pourquoi ne croyez-vous pas à ces solutions «gagnant-gagnant»?
Devlin Kuyek: Les investisseurs cherchent à avoir le contrôle sur les terres agricoles, pas à améliorer la sécurité alimentaire. Ils veulent faire de l’agriculture industrielle et n’ont rien à faire avec les exploitations familiales. D’ailleurs, dans la plupart des cas, les paysans sont expulsés de leurs terres. D’autre part, toute cette agriculture est destinée à l’exportation: elle ne va pas être écoulée auprès de populations très pauvres qui paient moins que le marché mondial.
