Afrique : Une règlementation pourrait-elle calmer les craintes sur les saisies de terres?

IPS | le 28 octobre 2009

Busani Bafana

STOCKHOLM, 28 oct (IPS) - La 'ruée vers les terres' à travers l'Afrique par des investisseurs internationaux devrait être réglementée afin de protéger les petits fermiers des accords qui pourraient les laisser sans terre et affamés.

Des organisations de fermiers, des représentants de la société civile et des chercheurs, au cours d'un débat à l’occasion des Journées européennes du développement, ont exprimé une inquiétude par rapport aux conséquences de la vente ou le bail de vastes étendues de terre aux entreprises et gouvernements étrangers. Ils craignent qu’elle ne nuise à la capacité de l'Afrique à se nourrir en améliorant la productivité de ses petits fermiers.

La Fédération des fermiers d’Afrique de l’est (EAFF) affirme que ces accords fonciers excluent les agriculteurs et menacent leurs moyens de subsistance.

"Nous avons vu l'acquisition de terres en train de se produire en Afrique et la tendance a été accélérée par la crise alimentaire et énergétique", a déclaré Philippe Kiriro, président de l’EAFF.

"Les victimes des acquisitions de terrains vivent de l'agriculture et nous sommes préoccupés par les arrangements des acquisitions. Qui sont les acteurs? D’un gouvernement à un autre, des entreprises privées et le gouvernement: ce n'est pas le peuple et le gouvernement, et ce n'est pas le secteur privé indigène. Notre priorité est d’assurer que nous avons des politiques bien négociées pour réglementer les terres".

Citant des chiffres de 2008 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Kiriro dit qu’on estime que l'Afrique possède plus de 800 millions d'hectares de terres cultivables, mais seulement 197 millions d'hectares sont actuellement cultivés.

"L'acquisition de terre est en train de cibler la proportion de ces terres (qui sont) dans les mains du gouvernement et ceux qui arrivent à accéder à ces terres ont le sentiment qu'il existe des terres que nous sommes incapables de cultiver nous-mêmes; mais la situation est différente. Si nous avions les équipements de base et de meilleures capacités, nous cultiverions ces terres", a souligné Kiriro.

Il estime qu'il est crucial qu'il existe des contrôles et des contrepoids à l'acquisition des terres pour éviter aux petits agriculteurs de perdre leurs moyens de subsistance. Il a dit qu’au Kenya, par exemple, des agriculteurs avaient été chassés de leurs terres dans le delta du Tana, où 40.000 hectares ont été loués à un investisseur qatari.

Une étude menée en 2009, intitulée "La saisie des terres ou opportunité de développement?", indique qu’il y a eu une augmentation de l'intérêt pour les terres agricoles, alimentée par le boom des prix des produits de base. Au cours des 18 derniers mois, les investisseurs internationaux louent de grandes étendues de terre en vue de produire des cultures pour exporter des aliments ou produire des biocarburants.

Cette étude, conjointement réalisée par la FAO, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et l'Institut international pour l'environnement et le développement (IIED), a analysé les attributions de 1.000 hectares ou plus entre 2004 et 2009, de quatre pays: Ethiopie, Ghana, Madagascar et Mali.

Selon l'étude, environ deux millions d'hectares de terre à travers ces quatre pays ont été cédés par écrit aux intérêts étrangers, y compris un projet de 10.000 hectares au Mali et une plantation énorme de 450.000 hectares pour des biocarburants à Madagascar. Camilla Toulmin, directeur de l’IIED, a déclaré que ce sont souvent des terres de grande valeur qui sont allouées aux investisseurs.

"Nous avons un nombre de préoccupations", a affirmé Henk Hobbelink, coordinateur de GRAIN, une organisation non gouvernementale défendant les intérêts de petits agriculteurs. "Il y a des tendances claires selon lesquelles des entreprises et des sociétés qui n'ont jamais été impliquées dans l'agriculture commencent aujourd’hui massivement par impressionner afin de louer ou d'acheter des terres ailleurs".

GRAIN a récemment dressé une liste de 120 entreprises du secteur des finances qui, selon Hobbelink, spéculent que la terre, l’eau et les ressources constituent de nouveaux produits de base qui peuvent générer de l’argent.

"Oui, nous avons besoin d’investissement dans l'agriculture, mais nous avons besoin d'investissement d'une manière que la majorité des agriculteurs dans le monde soient gardés (sur) et non expulsés des terres. Si nous parlons de la monoculture et de grandes plantations, du moins pour l'Afrique, nous allons dans la mauvaise direction", a souligné Hobbelink.

"Voulons-nous vraiment mettre le sort de la production alimentaire et le sort de l'agriculture dans le monde dans les mains de ces entreprises privées, dont bon nombre sont des banques?"

Akin Adesina, vice-président de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), un partenariat visant à accroître la productivité de l'agriculture à petite échelle, soutenu par les Fondations Rockefeller et Gates, a indiqué que la vente ou le bail des terres africaines devrait être faite d’une manière transparente.

"Les défis de cette soi-disant ruée vers les terres comprennent le risque d'aller vers de grandes fermes mécanisées comme en Amérique latine. La Révolution verte dont nous parlons en Afrique est celle qui met l'accent sur les agriculteurs et leur permet d'accroître rapidement la productivité agricole, et à eux de procéder de telles manières qui respectent l'environnement. Aller vers la mécanisation à grande échelle de l'agriculture, à mon avis, sera une erreur".

Les participants à cette table ronde ont discuté du potentiel de créer une situation de gagnant-gagnant avec les acquisitions de terre en suggérant l’implication des fermiers au début des négociations pour de tels accords. Il y a eu également un appel à l'élaboration et à l’application d'un code de conduite mondial pour réglementer les accords fonciers.

"Il existe la possibilité d'un code de conduite", a déclaré Ishmael Sunga, directeur général de la Confédération des syndicats des fermiers d’Afrique du Sud. "Toutefois, il n’est pas logique d'avoir un code de conduite pour "les saisies des terres". Il devrait être plutôt pour les investisseurs étrangers, aussi bien d'autres pays d'Afrique que de l'extérieur du continent.

"Pourquoi devrions-nous réglementer l'investissement venant seulement de l'extérieur de l'Afrique alors que certains des accords, qui sont en train d’être signés par des investisseurs africains, pourraient être également mauvais?". (FIN/2009)
  •   IPS
  • 28 October 2009

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