L'Afrique n'écoute pas l'Afrique

Papa Seck

Le Soleil (Dakar) | 22 juillet 2009

Au moins 2 ans avant la crise rizicole intervenue en 2008, nous l'avions annoncée. Par ailleurs, le Conseil des ministres du Centre du riz pour l'Afrique (Adrao), tenu à Abuja, en septembre 2007, a été exploité pour montrer les éléments essentiels justifiant son imminence. Et des solutions ont été avancées pour l'atténuer. Nous avons été effectivement écoutés lorsque la crise s'est abattue sur les pauvres d'Afrique. Mieux, certains décideurs nous ont interpellé pour un rappel de nos vieilles recommandations. C'est cela que nous appelons la logique de la gestion des urgences en lieu et place d'une prospective. C'est dommage, car « l'avenir appartient à ceux qui savent faire de bonnes anticipations à partir d'une lecture du passé et des germes de changement contenus dans le présent ».

A l'évidence, un expert africain a peu de chance de convaincre dans notre continent. En effet, sans discernement, l'Afrique a accepté et accepte encore des idées totalement en déconnexion avec ses réalités objectives. En d'autres termes, ce continent peut être assimilé à un laboratoire qui a deux fonctions qui ont pour noms expérimentation et explication des échecs. Il est temps d'être ouvert tout en étant conscient de ce qu'on veut. L'adage dit bien « qu'il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Savoir où on va, c'est d'abord et surtout être capable (i) de dessiner son identité du moment et du futur (ii) de dégager des orientations stratégiques qui sont fondées sur un futur réaliste et réalisable et (iii) nouer des partenariats « gagnant-gagnant ». Et n'oublions jamais que le présent n'est pas le seul temps de conjugaison, le futur en est un ! Un autre fait : nous avions dit et écrit plusieurs fois que l'Afrique est l'avenir du monde pour la riziculture. Ceux qui nous avaient combattus sans arguments scientifiques sérieux seraient aujourd'hui dans une position peu enviable. Car ils constatent avec nous que beaucoup de pays asiatiques tentent de délocaliser une partie de leur production rizicole en Afrique. Ceci tient essentiellement au fait que les terres et l'eau se raréfient en Asie et on y constate une chute du taux d'accroissement du rendement paddy. Dans le journal « Le Monde » en date du mercredi 15 avril 2009, un article intitulé « la ruée vers les terres agricoles met en danger les pays pauvres », vient confirmer nos propos.

La récente préoccupation du G8 sur la nécessité d'observer des règles sur les achats de terres en Afrique, est à saluer. Mais force est de constater que cela a été dit et rappelé plusieurs fois par des experts africains et du Nord. De notre point de vue, dans le cadre de la définition de ces règles, de nombreux préalables sont à poser, dont entre autres : implications des petits producteurs, préservation des exploitations familiales, écoulement d'une partie significative de la production sur les marchés domestiques africains, réalisations d'infrastructures de base dans les terroirs ciblés, soutien à la production domestique par la constitution d'un fonds de relance, etc.

L'Afrique bénéficie d'avantages comparatifs indéniables pour se nourrir et exporter davantage de produits agricoles. Pour ce faire, nous devons croire en nous-mêmes et opter pour des stratégies majeures bien normées.

Dr Papa Abdoulaye SECK

Spécialiste en politiques et stratégies agricoles

Membre de l'Académie (Ansts)

Directeur général du Centre du riz pour l'Afrique (Adrao)
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