Le G8 espère réguler la ruée sur les terres arables du Sud

Agence France Presse | 10 juillet 2009

De Anne CHAON

L'AQUILA, Italie (AFP) — Le G8 entend mettre un peu d'ordre et de principes dans la ruée mondiale sur les terres arables des pays du sud, à défaut de pouvoir s'immiscer dans les transactions qui privent les populations des terres dont elles dépendent.

Au cours des 4 dernières années, 15 à 20 millions d'hectares, l'équivalent des terres agricoles françaises, ou du cinquième de celles de l'Europe, ont fait l'objet de transactions, achat ou location à long terme, entre gouvernements du sud, ou entre investisseurs privés et gouvernements, selon l'ONU.

Ce phénomène en expansion "risque d'avoir des impacts négatifs sur le droit à l'alimentation et les droits humains, avec l'éviction des utilisateurs habituels" de leurs terres, estime l'ONU, puisque la quasi-totalité des récoltes est exportée vers les pays exploitants.

Alors que le cap du milliard d'humains souffrant de la faim vient d'être franchi, les dirigeants des huit pays les plus industrialisés ont annoncé cette semaine à L'Aquila (Italie) qu'ils proposeraient, à l'initiative du Japon, un "code de bonne conduite", énonçant "les principes et meilleures pratiques en matière d'investissement agricole international".

Pour le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, joint vendredi par l'AFP, il importe avant tout de garantir un peu de "transparence" dans les transactions.

"Les investisseurs n'ont aucune contrainte: on brade des millions d'hectares par un contrat de trois pages. Tout ça passe au-dessus de la tête des populations", note-t-il.

L'Afrique sub-saharienne est la plus visée, mais aucun continent ou pays n'est à l'abri, de Madagascar à l'Indonésie, du Cambodge à l'Ukraine ou au Brésil, selon un rapport qu'il a publié en juin.

Ainsi, la Chine a acquis 2,8 millions d'hectares en République démocratique du Congo pour créer la plus importante plantation de palmiers à huile; la Libye exploite 100.000 hectares au Mali pour y produire du riz et l'Arabie saoudite cherche à obtenir un bail sur 500.000 hectares en Tanzanie.

A Madagascar, le bail de 99 ans négocié par le coréen Daewoo sur 1,3 million d'hectares a finalement été suspendu après que le président Ravalomanana eut été déposé cet hiver par ses opposants, dont le maire de la capitale qui dénonçait ce contrat. Mais 450.000 hectares ont été cédés à une compagnie indienne pour y produire du riz destiné à l'Inde.

"Le G8 ne peut s'imposer dans les discussions entre pays du sud. En revanche, ses gouvernements peuvent peser sur les fonds d'investissements occidentaux, de plus en plus nombreux, et qui eux-mêmes gèrent souvent des fonds souverains des Etats", relève M. de Schutter.

Selon l'estimation la plus plausible, selon lui, 75% des acquisitions de terres sont le fait d'investissements privés.

Les terres les plus demandées sont celles situées à proximité d'un point d'eau et qui peuvent ainsi être irriguées à moindre coût.

Parmi les principes à imposer, insiste le rapporteur, outre l'emploi local et des pratiques agricoles durables, "il est indispensable d'associer les communautés locales au contrat et de prévoir une clause garantissant l'approvisionnement local. Surtout quand les prix augmentent: il faut qu'une partie des récoltes reste sur place", affirme-t-il.

Mais dans de bonnes conditions, les investissements étrangers peuvent constituer "une source d'enrichissement dans les campagnes", ajoute le rapporteur.

"Le sujet est sensible", estime cependant Jean-Denis Crola, expert des questions agricoles pour Oxfam. "Le G8 est-il prêt à en discuter avec les pays concernés? Et une fois ce code de bonne conduite adopté, comment le faire appliquer?".

Il importe surtout, selon lui, de responsabiliser les gouvernements. "Pour cela, il aurait été utile d'en parler avec les acteurs concernés plutôt qu'entre membres du G8".
  •   AFP
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