La ruée vers les terres agricoles africaines

La culture de biodiesel occupe des surfaces de plus en plus importantes en Afrique.

Les Afriques | 20-06-2009

En cinq ans, 2,49 millions d’hectares ont été acquis dans cinq pays africains. C’est la ruée vers les terres africaines. Elle peut être bénéfique ou catastrophique pour l’agriculture.

Par Hance Guèye, Dakar

Depuis l’indépendance du pays, en 1980, la question de la propriété des terres empoisonne le Zimbabwe. Elle a entraîné famine, isolement diplomatique, suspension de l’aide internationale, effondrement de l’économie, pour déboucher sur des violences postélectorales et, finalement, un gouvernement d’union nationale.

Non loin de là, à Madagascar, c’est la cession d’une immense superficie de terres arables à l’entreprise sud-coréenne Daewoo Logistics qui a enclenché le mouvement qui a entraîné la démission du président Marc Ravalomanana.

Ces exemples sont les plus criants, mais la question de la propriété des terres est devenue un enjeu majeur en Afrique. C’est pourquoi, à la demande de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et du FIDA (Fonds international pour le développement agricole), l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) a conduit une étude sur ce problème dans huit pays africains.

Le rapport rendu public le 25 mai dernier mesure d’abord l’ampleur du phénomène. Depuis 2004, ce sont au total 2,49 millions d’hectares qui ont fait l’objet de transactions, soit des concessions, soit des ventes, dans cinq pays, l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali et le Soudan.

« Les achats de terres sont en rapide augmentation en Afrique et ailleurs, entraînant le risque, si ces opérations sont mal réalisées, que les populations rurales les plus pauvres perdent leurs droits sur les terres et autres ressources naturelles », souligne le rapport.

Les investisseurs internationaux, naturellement, achètent de préférence les meilleures terres agricoles, qui constituent pourtant le moyen de subsistance des populations locales, qui risquent d’en perdre l’usage. Pourtant, les gouvernements sont indifférents à cet aspect.

Tendance lourde

La ruée des investisseurs étrangers vers les terres arables est une tendance lourde du continent africain, constate le rapport. Ces achats de terres à grande échelle qui sont en rapide augmentation en Afrique et dans le reste du monde. Souvent, ces terres sont la propriété des Etats, les paysans n’en ayant qu’un droit d’usage.

« Le manque de transparence paraît problématique » note le rapport. Il n’en apparaît pas moins que les terres sont cédées à bas prix. L’accent est mis sur les emplois générés ou encore les infrastructures construites. Les contrats qui ont pu être analysés se révèlent presque tous « courts et simples, comparé à la réalité économique de la transaction ». Les engagements des investisseurs sont vagues et muets sur la répartition des récoltes entre exportation et consommation locale.

L’étude déplore aussi que les populations concernées soient tenues à l’écart des négociations et les données sur la superficie ou la nature des contrats, tenues secrètes, aussi bien pour les transactions commerciales privées que pour les accords entre gouvernements.

Accaparement ?

Alors, « Accaparement des terres ou opportunités de développement ? » comme s’interroge le titre du rapport sur les investissements agricoles et les transactions foncières internationales en Afrique. La question n’est pas tranchée. Les deux, selon Paul Mathieu de la FAO.

Pour Rodney Cooke, un des directeurs du FIDA, « réalisés de la bonne façon, ces accords peuvent apporter des résultats positifs pour toutes les parties et être un outil de développement ». La bonne façon, pour lui, c’est permettre aux petits producteurs de rester propriétaires de leurs terres tout en augmentant leur production avec l’aide d’investisseurs ; inciter les Etats à négocier des conditions meilleures pour leurs populations ; ou encore indemniser les propriétaires expulsés. C’est préférer le développement au business. Est-ce là la logique habituelle des gouvernements, dont l’horizon dépasse rarement la prochaine échéance électorale ? Pas vraiment, mais pour Mathieu, c’est l’intérêt bien compris des Etats et des investisseurs qui « n’aiment pas l’instabilité sociale. Or, si les bénéfices ne sont pas suffisants à court terme, les risques de tensions sont réels. » L’exemple malgache, rappelle-t-il est là pour mesurer les risques.

Les acheteurs sont généralement étrangers, en provenance de Chine et des Etats du Golfe, et publics. Mais il y a aussi des privés.

Qu’est-ce qui explique cette ruée ? A croire Mathieu de la FAO, « les motivations sont multiples. L’insécurité alimentaire, les mécanismes financiers destinés à encourager le stockage du carbone, les biocarburants et la recherche d’opportunités de placements plus stables que les marchés financiers alimentent les anticipations d’augmentation de la valeur des terres. »

Le phénomène, prédit l’étude, va s’accentuer, entraînant des transformations économiques et sociales en Afrique et ailleurs. « Ce qui se joue là aura donc de fortes implications pour l’avenir de l’agriculture mondiale, où “l’agribusiness” pourrait encore plus dominer ».

« Le phénomène existe et il est massif. Il faut faire en sorte que ses effets soient positifs et ses dégâts minimes », conclut Paul Mathieu.
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