Terres agricoles: le grand monopoly

Libération | 14/04/2009

Le premier constructeur naval sud-coréen, Hyundai Heavy Industries, vient d'annoncer sa participation à l'effort national pour sécuriser les ressources alimentaires du pays. HHI vient d'acquérir 67,6% des parts de Khorol Zerno, propriétaire et exploitant de 10000 hectares de terres agricoles dans le grand est russe, dans la région de Khorolski. Le tout pour 6,5 millions de dollars. Le groupe a précisé qu'il ne s'arrêterait pas là et qu'il allait ajouter 9 millions de dollars d'investissements pour prendre le contrôle de R0000 hectares supplémentaires d'ici à 2012.

Ces terres devraient permettre de produire 60000 tonnes de maïs et de haricots par an d'ici à 2014. Objectif: soulager les fermes sud-coréennes dont l'approvisionnement en céréales se fait sur les marchés internationaux et subit la hausse des denrées alimentaires de plein fouet. Ainsi, il s'agit surtout de sécuriser les ressources en céréales du pays pour nourrir des animaux... Je vous ferais grâce des avantages de la modification anticipée et volontaire du régime alimentaire -du carné au micro-carné-, mais je n'en pense pas moins.

Le quotidien Le Monde a démarré une série sur ce phénomène. Sûr que le rachat de terres russes n'est pas le premier investissement du genre. Une des causes des émeutes à Madagascar fut celui par Daewoo Logistics de plus d'1,3 million d'hectares situés sur les plateaux malgaches pour produire de l'huile de palme et du maïs. Une surface représentant tout de même la moitié des surfaces cultivables du pays! L'Arabie saoudite a investi en Indonésie, tandis que la Chine, l'Egypte, l'Inde, le Japon, et, bien sûr, la Corée du sud prospectent à la surface de la planète (surtout dans des pays pauvres ou émergents...) en quête de terres riches, cultivables et facilement récupérables.

L'ONG espagnole Grain a d'ailleurs réalisé une étude sur ce sujet, intitulée Main basse sur les terres agricoles en pleine crise financière et agricole. Non seulement des pays en quête de ressources alimentaires prospectent mais également des groupes financiers alléchés par les perspectives à la hausse du marché mondial de l'agriculture.

Disposant de peu de terres cultivables, certains pays ont subi en 2008 l'envolée du prix des produits alimentaires. Les investisseurs financiers sont eux échaudés par la crise financière et attirés par la rentabilité du commerce des denrées alimentaires. Ils prospectent aux Philippines, au Cambodge, en Ouganda, au Brésil, etc..., s'alarme Grain, qui insiste sur l'opacité entourant ces transactions. Le groupement d'ONG International Land Coalition estime que "la mondialisation du marché foncier, conjuguée à des perspectives de profit croissantes tirées de la production agricole, entraîne une hausse de la spéculation de la part de compagnies transnationales, y compris des banques d'investissements". Qui ont l'art de ne jamais manquer une bonne affaire.

L'achat de terres arables dans le monde "est un phénomène de grande ampleur" qui connaît "une accélération subite", commentait en décembre pour l'AFP Paul Mathieu, spécialiste des régimes fonciers à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ce phénomène présente, selon lui, des risques mais aussi des opportunités. "S'il s'agit d'investissements basés sur la mécanisation et sur l'importation de travailleurs étrangers", cela va "enlever non seulement de la terre, mais aussi du travail aux paysans" locaux. Avec, à la clé, des "risques majeurs réels: paupérisation, tensions sociales extrêmes, violences civiles", assure Paul Mathieu. En revanche, "plus de capitaux et d'investissements dans l'agriculture, bien gérés, peuvent contribuer à un réel développement rural".

Cet optimisme n'est guère partagé par Grain: "les travailleurs, les agriculteurs et les communautés locales vont inévitablement perdre l'accès aux terres". "Il y a un risque tout à fait réel de voir non seulement les denrées alimentaires mais aussi les profits générés par ces activités agricoles à l'étranger détournés vers d'autres pays, d'autres consommateurs qui peuvent payer", estime l'ONG.

Tous reconnaissent qu'un peu plus de transparence dans les transactions (accès aux contrats, vérification des clauses, ...) conviendrait mieux. Mais plus globalement, peut-on imaginer que des populations locales laisseront partir des quintaux de maïs ou autre depuis leurs ports en cas de graves pénuries alimentaires?
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