Scandale après les visées de Daewoo sur les terres agricoles de Madagascar

VSD | 15/12/2008

Cédric Gouverneur

Selon le Financial Times, le groupe coréen Daewoo Logistics est en passe de s’offrir 1,3 million d’hectares à Madagascar, afin de cultiver du maïs et de l’huile de palme. Toute la production sera rapatriée en Corée, en vue d’assurer l’indépendance alimentaire du pays : «La nourriture peut être une arme dans ce monde», a confié au quotidien économique britannique un dirigeant de Daewoo.

«Pirates»

Toujours selon le journal britannique, Daewoo n’aurait pas déboursé le moindre centime pour ce bail de 99 ans ! Une gratuité que le groupe coréen dément formellement. A titre de contrepartie, Daewoo (conglomérat qui fabrique pratiquement de tout de l'électroménager aux voitures) s’engagerait à créer des emplois et des infrastructures dans les zones concernées. Insuffisant pour le Financial Times, qui parle de «néocolonialisme», soulignant que ces 13 000 km2 (soit deux départements français) représentent la moitié des terres cultivables d’un pays aride, où 70% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté : «Tout projet devrait se réaliser dans l’intérêt des populations locales». Et le quotidien de porter l’estocade : «En Afrique, les pirates ne sont plus seulement sur les côtes» !

De leur côté, plusieurs journaux coréens estiment les Européens bien mal placés pour donner des leçons : des firmes britanniques ne cultivent-elles pas déjà des agro-carburants à Madagascar, au Mozambique, en Ethiopie ? La vérité, explique-t-on à Séoul, est que les anciens colonisateurs ne digèrent pas de perdre leur influence en Afrique au profit de l’Asie. Et de comparer les 6 milliards de dollars qu’entend investir Daewoo sur 20 ans à Madagascar aux 900 millions d’aides annuelles du fond monétaire international (FMI). «Faux amis»Sur le web, les réactions sont vives. Sobika, portail de la communauté malgache, a posté les commentaires de centaines d’internautes malgaches. Pour certains, ce deal «permettra à des milliers de paysans de devenir salariés». D’autres, effarés, en appellent au dieu de la grande île : «Ô Zanahary, protège ton peuple de la cupidité de ses faux amis !» «S’il est avéré, le contenu de cet accord est intolérable», explique à VSD Davis Onja Andriamboavonjy, président de l’Association des étudiants d’origine malgache (AEOM) à Paris. «On ose espérer que le pouvoir répondra aux demandes d’explication de la population». Gênés, le gouvernement malgache comme le groupe coréen minimisent la portée du deal, évoquant une simple «facilité en vue d’une recherche foncière» et précisant que «rien n’est encore signé».

Phénomène mondial d’accaparement des terres

Densément peuplée, la Corée du Sud dépend des importations de céréales des Etats-Unis, un allié jugé encombrant par beaucoup de Coréens. A terme, les plantations malgaches permettraient de diviser par deux ces importations américaines…Hausse démographique et insécurité alimentaire conduisent des pays d’Asie et du Golfe à chercher outre-mer les terres agricoles qu’ils n’ont pas. L’ONG catalane GRAIN, qui défend les paysans du Tiers-monde, avertit dans un rapport que «la synergie entre la crise alimentaire et la crise financière» a déclenché un véritable «accaparement des terres au niveau mondial». Les terres fertiles seront de plus en plus «privatisées et concentrées». Ce qui pourrait «sonner le glas des petites exploitations».

  •   VSD
  • 15 December 2008

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