L'Autriche proteste contre l' "expropriation" de ses agriculteurs en Hongrie

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L'Autriche considère qu'il s'agit d'une "expropriation", et s'est plainte à la Commission européenne.
Le Monde | 22 janvier 2014
 
L'Autriche proteste contre l' "expropriation" de ses agriculteurs en Hongrie
 
A l'approche des législatives, le gouvernement de Viktor Orban joue sur la fibre nationaliste
 
Furieux. Le mot est faible pour décrire l'état d'esprit du ministre autrichien de l'agriculture, Andrä Rupprechter, lorsque son homologue hongrois Sandor Fazekas a refusé, par deux fois, de discuter avec lui des expropriations de paysans autrichiens en Hongrie. Cette querelle dépasse le cadre bilatéral et pose le problème du respect des règles de l'Union européenne.
 
"C'est inimaginable ! On ne peut pas traiter de cette façon ses partenaires européens", a réagi M. Rupprechter, lundi 20 janvier, à Vienne. Aux médias hongrois, M. Fazekas venait d'expliquer qu'il ne voyait aucune nécessité de rencontrer le dirigeant autrichien, la Hongrie étant libre de modeler son droit foncier.
 
La pomme de discorde est une loi dont les dispositions ont été publiées, le 12 décembre, dans le Journal officiel, à Budapest. Elle stipule que les contrats d'usufruit de terres agricoles, conclus entre 1994 - année à partir de laquelle des ressortissants étrangers n'avaient plus le droit d'acheter des terres en Hongrie - et 2001, seront annulés le 1er mai 2014. Or ces contrats ont été légalement enregistrés, et les droits qu'ils confèrent aux exploitants sont inscrits au cadastre.
 
L'Autriche considère qu'il s'agit d'une "expropriation", et s'est plainte à la Commission européenne. Plusieurs centaines d'agriculteurs autrichiens - mais aussi allemands, italiens et néerlandais - seraient concernés, pour plus de 200 000 hectares. Il s'agit souvent d'exploitations très rentables, plantées de vignes ou de céréales, qui bénéficient d'importantes subventions dans le cadre de la politique agricole commune.
 
Le 1er mai marquera la fin du moratoire sur l'achat des terres hongroises : elles devraient être alors accessibles aux autres ressortissants de l'Union européenne. Mais des dispositions adoptées par Budapest établissent une nouvelle barrière, encore plus infranchissable.
 
L'agriculture n'est pas le seul domaine de l'économie où le gouvernement du premier ministre conservateur, Viktor Orban, joue la carte de la préférence nationale.
 
En 2013, le Parlement - dominé aux deux tiers par le parti de Viktor Orban, le Fidesz - a diminué, au total, de 20 % les tarifs de l'électricité, du gaz, de l'eau et du chauffage. Cette baisse s'est effectuée au détriment des sociétés de distribution, le plus souvent étrangères, qui sont tentées de quitter un environnement si peu profitable. Ainsi, le géant allemand de l'énergie E.ON a cédé à "l'Etat-Fidesz" sa filiale hongroise.
 
"Laquais"
 
Donné grand vainqueur aux législatives prévues le 6 avril, M. Orban a placé la " bataille pour baisser les charges domestiques " au centre de sa campagne. Les conservateurs envisagent de faire des entreprises de distribution d'énergie des sociétés non profitables, et d'ancrer ce changement dans la Constitution.
 
Le président de la Banque nationale hongroise, György Matolcsy, a annoncé pour sa part que "trois ou quatre grandes banques" allaient "disparaître du marché". Budapest vise en particulier les établissements autrichiens Raiffeisen et Die Erste Bank, lourdement déficitaires en Hongrie en raison des taxes imposées depuis 2010 à ce secteur impopulaire.
 
Le taux des créances douteuses des entreprises s'élève à 20 %, tandis que la moitié des prêts contractés par les ménages avant la crise sont toujours libellés en devises étrangères - principalement en franc suisse. Ce qui, avec l'effondrement des cours du forint depuis 2008, a fait flamber la note pour les familles. Le gouvernement multiplie les mesures pour diminuer le poids des remboursements.
 
M. Orban, qui a l'art d'exploiter les situations conflictuelles, se pose en champion des Hongrois opprimés. "Tout le monde va se mobiliser contre nous, avait-il annoncé, avec une satisfaction visible, lors d'un discours au Parlement : les banquiers mielleux, les multinationales avides, les bureaucrates bruxellois, et, bien sûr, leurs laquais hongrois", c'est-à-dire ses adversaires politiques.
 
Joëlle Stolz

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