Les paysans de Sierra Leone refusent de laisser accaparer leurs terres pour une plantation de palmiers à huile

Medium_safiya-vandiSafiya Vandi (en vert) : elle s’est placée devant le bulldozer pour les empêcher de défricher sa terre, vendue sans son consentement. (Photo : Green Scenery)
GRAIN | 7 janvier 2014 | English

Les paysans de Sierra Leone refusent de laisser accaparer leurs terres pour une plantation de palmiers à huile

Des membres des communautés affectées par ces plantations en monoculture et des organisations de la société civile venues d’Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud et d’Asie, se sont rencontrés à Calabar, au Nigeria, du 2 au 5 novembre 2013. Ils ont partagé leurs témoignages et leur analyse des conséquences de la rapidité et de la brutalité de cette expansion des plantations d’huile de palme en monoculture imposée par les multinationales dans divers pays et communautés.

Troisième partie d’une série d'entretiens illustrant la résistance à l’expansion des plantations de palmiers à huile en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

A lire aussi : l’activiste Nasako Besingi raconte comment il a été battu, arrêté et assigné en justice pour avoir soutenu des villageois camerounais qui défendaient leurs terres contre le fonds de couverture américain Herakles Capital.

Le 9 décembre 2013, une réunion a été organisée dans le district de in Pujehun à propos de la location de 6 500 hectares de terres agricoles de qualité dans cette partie sud-ouest de la Sierra Leone. Selon des sources locales, les anciens avaient organisé cette réunion pour permettre aux gens d’exprimer à nouveau au chef suprême leurs griefs concernant le bail foncier accordé à la Socfin Agricultural Company.

Dans le village de Libby Malen, des centaines de personnes attendaient l’arrivée des autorités de la chefferie quand ils ont appris que neuf habitants du village avaient été battus, puis arrêtés par la police alors qu’ils se rendaient à la réunion. Plus de trois cents personnes ont immédiatement quitté la réunion pour aller au commissariat de Sahn, la ville voisine, et demander la relaxe des villageois.

En chemin, ils ont rencontré une troupe de policiers qui ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles sur la foule, faisant de nombreux blessés graves. Une personne a reçu une balle dans le cou et au moins 57 villageois ont été arrêtés et passés à tabac. Peu après, un groupe de voyous qui, selon des témoins, feraient partie de la police et/ou de l’entreprise, ont attaqué les villageois à Libby Malen même, forçant les gens à s’enfuir dans la jungle.

Depuis un certain temps déjà, ceux qui travaillent avec les communautés locales tentent d’avertir le gouvernement et l’entreprise de la dégradation de la situation dans le district de Pujehun.

« Actuellement, les gens de cette communauté souffrent de la faim, » a expliqué Frank Williams, responsable réseaux de l’ONG Green Scenery au cours d’un entretien avec GRAIN en novembre. Williams est également le coordonnateur d’ALLAT – “Action for Large scale Land Acquisition Transparency’’ [Action pour la Transparence dans l’Acquisition de Terres à Grande Échelle]– une coalition d’organisations de la société civile formée en 2012 pour surveiller les questions foncières.

« Ils n’ont pas assez de terres à cultiver. Leurs terres leur ont été enlevées. Les emplois que la société leur a proposés… leur rapportent moins de 50 dollars par mois. […] Tout ça, ce sont des problèmes pour la communauté. Et on imagine très bien les conflits à venir si le gouvernement ne réagit pas immédiatement pour trouver des solutions. »

Le district de Pujehun, situé dans le sud-est de la Sierra Leone, a été sévèrement affecté par la guerre civile qui s’est terminée en 2002. Aujourd’hui, ce district fait partie des régions où le gouvernement tente d’attirer les investissements étrangers pour installer des plantations industrielles de palmiers à huile. Mais les communautés locales refusent que de vastes parcelles de terres soient cédées aux sociétés étrangères.

Deux sociétés – Socfin, la filiale d’une entreprise luxembourgeoise contrôlée par le groupe Bolloré et le groupe indien Siva Group/Biopalm Star Oil – ont à elles deux acquis les droits d’exploiter une zone de près de 90 000 hectares s’étalant sur cinq des chefferies du district.

Les villageois concernés déplorent qu’il n’y ait eu aucune consultation pour permettre aux membres de la communauté de comprendre la transaction avant qu’on ne leur demande de signer les document et beaucoup refusent de céder leurs terres.

L’incident de décembre n’est que le plus récent d’une série de réactions hostiles de plus en plus violentes de la part des autorités, face à la résistance des communautés qui perdent leurs terres.

En décembre 2012, 101 membres de familles du district propriétaires de leurs terres avaient écrit à la Commission des Droits humains de Sierra Leone pour se plaindre de l’absence de consultation, de la destruction de leurs récoltes et de leurs terres et d’un constant harcèlement de la part du chef suprême du district, de la police et du personnel de Socfin. L’ONG locale Green Scenery a mené une mission d’investigation sur les transactions foncières réalisées dans le district et a publié un rapport.

La réponse de la filiale locale de Socfin a été de déposer plainte pour diffamation contre l’ONG.

Puis, en octobre 2013, indique Williams, la société a accusé plusieurs membres de la communauté d’avoir détruit des palmiers lui appartenant.

« Six personnes ont été arrêtées, » dit Williams. « Les plaintes déposées contre elles : un, incitation à la violence, deux complot, et trois, destruction de biens appartenant à la société. Telles sont les charges portées contre les six personnes arrêtées par Socfin. »

Elles ont été incarcérées pendant plusieurs semaines avant d’être libérées sous caution fin novembre. L’une d’entre elles faisaient partie des villageois arrêtés devant le commissariat de Sahn le 9 décembre.

Williams rappelle que les membres de la communauté sont fermement résolus à mettre fin aux manoeuvres de la société, malgré la violence et l’intimidation dont ils sont victimes. Il fait part de l’histoire de Safiya Vandi, qui a refusé d’accepter que sa terre, vendue sans son consentement, ne soit détruite pour laisser la place à une grande plantation de palmiers à huile.

«  Avec courage et détermination, cette femme s’est placée devant le bulldozer pour les empêcher de défricher sa terre, » raconte Williams. « Et son intervention a arrêté le travail ce jour-là. Des cas comme ça risquent de se reproduire fréquemment, parce que les membres de la communauté n’arrivent pas à faire entendre leurs griefs. »

  •   GRAIN
  • 07 January 2014

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