Sud-Kivu : chassés de leurs champs contre 100 dollars

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"Un champ de 50 m² de bananiers s'achète généralement à 1 200 $ et celui de manioc à 1 500 $", fait savoir Kipendo K au Congo. Casa Mining, quant à elle, ne remet que 100 $ à tous les propriétaires des champs.
Syfia | 28-06-2013

[Cette expérience du secteur minier est très semblable à ce qui se passe dans le secteur agricole]

Sud-Kivu : chassés de leurs champs contre 100 dollars

(RCN J&D-InfoSud/Syfia/PML) A Misisi, au Sud-Kivu, une entreprise minière déloge, sans concertation, ni indemnisation juste, des cultivateurs de leurs champs pour y faire des travaux de prospection. Agriculteurs et autorités dénoncent ces pratiques.

Selemani, cultivateur de manioc, a un champ de 50 m² sur la colline Katchanga, près du centre de Misisi (350 km au sud de Bukavu, en territoire de Fizi). Casa Mining, une entreprise d’exploitation minière de droit congolais avec des actionnaires britanniques, y a installé ses activités. Pour l’indemniser, elle ne lui a versé, en 2011, que 100 $ au lieu des 1 000 $ qu'il espérait. Bilenda n'a lui aussi reçu, début 2013, que 100 $ pour sa bananeraie. "Mon champ est sous-évalué", se plaint-il. Il espérait en effet 700 $ et une maison construite en matériaux durables.

Casa Mining prospecte dans le territoire de Fizi depuis 2011. Elle y a des concessions que l’Etat lui a concédées dans des contrats qui demeurent hors de portée du public et des journalistes. Ces concessions sont de 328 km2 et vont du nord de Kalemie (province du Katanga), à Misisi. Pour rechercher de l’or dans le territoire de Fizi, Casa Mining a fait construire des tranchées et délogé une vingtaine de cultivateurs depuis janvier 2013, indique Kipendo K., chef traditionnel à Misisi. Difficile de savoir le nombre de ceux qui ont été délogés avant.

L'entreprise semble par ailleurs dans son droit, puisque la Loi du 11 juillet 2002 portant Code minier pose la suprématie des droits miniers sur ceux fonciers, dont les droits agricoles. Ainsi, un agriculteur ne peut s’opposer à ce qu’un permissionnaire minier exploite l’espace qu’il cultive, explique Adolphe Kilomba, avocat au barreau de Bukavu. Sans ou même avec certificat d’enregistrement sur son champ, le titre minier (acte qui atteste des droits de son détenteur sur une concession minière) l’emporte.

Champs sous-évalués

Dans ces conditions, pour les cultivateurs délogés, la seule issue possible est "une juste indemnité correspondant soit au loyer, soit à la valeur du terrain lors de son occupation, augmentée de la moitié", dispose l’article 281 du Code minier. Les victimes peuvent recourir à l’administration, devant un arbitre choisi de commun accord avec l’entreprise minière ou se plaindre en Justice. Comme c’est une affaire civile, il appartient au juge ou à l’arbitre de fixer le montant de l’indemnisation. "Si l'entreprise ne s'y conformait pas, elle pourrait se voir suspendre ou retirer l'autorisation d'exploitation minière", avance Utchudi Ona, enseignant d’université. Mais, aucun agriculteur ne s’est, pour le moment, plaint en Justice.

"Un champ de 50 m² de bananiers s'achète généralement à 1 200 $ et celui de manioc à 1 500 $", fait savoir Kipendo K. Casa Mining, quant à elle, ne remet que 100 $ à tous les propriétaires des champs. "Nous nous convenons ainsi avec eux. Il est prévu dans la loi que l'entreprise puisse transiger avec le propriétaire du terrain", se justifie un proche de l’entreprise. Un géologue de Casa Mining n’y voit pas non plus d’inconvénients. "Ce ne sont que des travaux de recherches. Les agriculteurs pourront ensuite cultiver à nouveau à condition de ne pas gêner les opérations d'exploitation jusqu’à ce qu'elles prennent fin (elles peuvent durer de 1 à 20 ans ou plus…, Ndlr)", promet-il.

En attendant, dans certains champs, quand les travaux ne concernent qu’une portion de leur terrain, les agriculteurs s’y rendent uniquement pour récolter et non plus cultiver, fait savoir une cultivatrice de bananiers. Les agents de l’entreprise se chargent alors parfois de les chasser. "Très tôt au champ pour défricher, un agent de Casa Mining, des outils de perforation du sol dans mon champ, me demande de ne plus y revenir", confie tristement Akili, cultivateur de bananiers.

Pas de forum communautaire

Si les agriculteurs se soucient de la sous-évaluation de leurs terres, le ministère provincial des Mines conclut au non-respect de la procédure. "Nous ne savons pas appeler ce montant, nous ne sommes même pas au courant, de l'indemnisation !", souligne Rodrigue Kiluka, conseiller au ministère provincial des Mines.

Par ailleurs, en principe, toute indemnisation est précédée de la mise en place d’un forum communautaire, selon Liete Tuta wa Tuta, chef de la division provinciale des mines. Ce cadre regroupe l’entreprise, l’Etat (représenté par la division des mines) et la communauté concernée aux fins de discuter des modalités d’indemnisation. "Cela évite que l'entreprise ne donne plus ou moins qu'elle ne doit en réalité. C'est l’occasion pour l'Etat d'assurer le respect des droits de l'entreprise et ceux des populations concernées", ajoute Liete Tuta wa Tuta.

Depuis avril dernier, le ministère provincial des Mines fait pression pour l’avènement, dans les plus brefs délais, de ce cadre de concertation censé être établi par l’entreprise. Mais, à Misisi, les travaux de recherches ont précédé sa mise en place. Et, c’est Casa Mining qui fixe toujours unilatéralement les critères d’évaluation des champs en lieu et place d’une expertise supervisée par l’Etat et acceptée par les populations concernées...

Pierre Kilele Muzaliwa, Patient Debaba Lufira
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