Ruée sur les terres du Tiers-Monde: des retombées modestes sur l'emploi

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"La ruée s'est ralentie, mais elle continue à un haut niveau" précise le rapport. (Photo : Reuters)
Agence France Presse | 27 avril 2012
       
Ruée sur les terres du Tiers-Monde: des retombées modestes sur l'emploi

PARIS - Les achats massifs de terres par des investisseurs étrangers dans le Tiers-Monde, vantés comme un moyen de sortir leurs populations du sous-développement, n'ont eu jusqu'à présent que de rares retombées sur l'emploi local, selon un rapport publié vendredi.

Ce document recense 1.217 transactions effectuées par des étrangers dans les pays pauvres depuis 2000, portant sur un total de 83,2 millions d'hectares. Cela équivaut à 1,7% des zones agricoles mondiales.

Il y a peu de retombées pour le moment car les systèmes de production mis en place sont fortement mécanisés. Donc, il y a besoin de très peu de main d'oeuvre sur ces projets, affirme Mathieu Boche, doctorant au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et co-auteur du rapport.

En outre, de nombreux projets n'ont pas encore atteint leur rythme de croisière. Le potentiel d'emplois est mis en avant par les investisseurs mais, pour le moment, on n'a pas retrouvé des niveaux d'emplois aussi importants qu'annoncés, explique-t-il.

Sur une base de 117 projets étudiés, 90 ont eu des retombées positives sur les infrastructures (santé, éducation) mais il est difficile d'en évaluer l'impact sur l'emploi, note le rapport intitulé Transactions foncières transnationales pour l'agriculture dans l'hémisphère sud.

Les investissements étudiés visent à 62% l'Afrique, suivie de l'Asie puis de l'Amérique latine, indique le texte issu d'un partenariat entre cinq organismes spécialisés.

Mais ce sont 11 pays, essentiellement en Afrique orientale et en Asie du Sud-Est, qui représentent 70% de la surface acquise. Les investisseurs ont tendance à se concentrer sur les pays les plus pauvres, soulignent les auteurs.

En outre, environ 45% des transactions visent des terres sous culture, ce qui rend inévitable la concurrence entre les investisseurs et les petits exploitants agricoles.

L'achat des terres a souvent lieu dans des zones à densité de population très élevée et non pas sur les terres dites +en friche+, confirme Markus Giger, du centre pour le développement et l'environnement (CDE), de l'Université de Berne, cité dans un communiqué.

Les pays visés ont souvent des institutions faibles et il y a des preuves inquiétantes bien que limitées d'évictions, poursuit le rapport.

Ainsi, si des compensations sont prévues dans les contrats, il y a peu de moyen de vérifier leur mise en place ou de les faire respecter.

Côté paiement, les versements en une fois sont fréquents, mais des loyers sont aussi payés dans certains cas, et se situent entre 7 cents et 100 dollars par hectare et par an, avance le document, le premier à être élaboré à partir des données récoltées par la Matrice des transactions foncières.

Cette banque de données, désormais consultable en ligne (http://landportal.info/landmatrix/), rassemble un maximum d'informations sur les investissements concernant des surfaces de 200 hectares et plus.

La plupart des projets - essentiellement menés par des entreprises privées, mais aussi le secteur public, des fonds d'investissement et des partenariats public-privé - sont destinés à l'exportation.

Les acheteurs viennent de pays émergents comme le Brésil ou la Chine. L'implication massive d'investisseurs issus de pays émergents illustre une nouvelle tendance au régionalisme caractérisé par des relations sud-sud, ajoute le rapport.

Les deux autres grands groupes sont les Etats du Golfe, notamment l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, ainsi que l'Amérique du Nord.

Loin d'être un phénomène momentané, l'acquisition de terres répond à des tendances de long-terme, peut-on lire. Parmi elles : la hausse des prix, l'accroissement de la population, la hausse de la demande pour la nourriture, les biocarburants, les matières premières et le bois ou encore la spéculation financière.

L'accès à l'eau est aussi un argument.

Cinq organismes se sont associés pour mettre sur pied le rapport et la plateforme internet : outre le Cirad et le CDE, le Giga (Institut allemand d'études mondiales et régionales), le Giz (Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit) et ILC (Coalition internationale pour l'accès à la terre).



La Tribune | 26/04/2012
 
 
Dans un rapport, la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC) estime que le phénomène de l'acquisition à grande échelle de terres agricoles se poursuit. Une dizaine de pays concentrent l'essentiel des assauts des grands groupes internationaux.

La ruée des grandes entreprises mondiales sur les terres agricoles, qui avait atteint des sommets en 2009, n'était pas un épiphénomène mais une tendance de fond. Tel est le principal enseignement d'une étude publiée ce vendredi par la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), rédigée avec l'aide d'une quarantaine d'organisations à l'occasion de la Conférence annuelle de la Banque mondiale sur la Terre et la Pauvret.

La plupart des acquisitions concentrées dans 11 pays

L'étude analyse ainsi les investissements fonciers agricoles au niveau international sur les 1217 transactions signalées depuis 2000, concernant 83,2 millions d'hectares de terres dans les pays en développement. Soit l'équivalent de 1,7% de la surface agricole mondiale. "La ruée s'est ralentie, mais elle continue à un haut niveau" précise le rapport. Et c'est l'Afrique qui concentre, sans surprise, toutes les attentions des acheteurs de terres. Ainsi, 754 transactions sur les 1.217 recensées concernent le continent noir, ce qui représente 56,2 millions d'hectares. Soit beaucoup plus qu'en Asie (17,7 millions d'hectares) et en Amérique latine (7 millions). Ces acquisitions de terres représentent 4,8% du total des terres agricoles africaines, c'est-à-dire une superficie équivalente au Kenya.

La majorité des acquisitions concernent d'ailleurs une infime minorité de pays. Ainsi, onze pays concentrent plus de 70% de la surface totale des terres acquises dans ces transactions. Sept sont Africains (le Soudan, l'Ethiopie, le Mozambique, la Tanzanie, Madagascar, la Zambie et la République démocratique du Congo). Les trois autres sont les Philippines, l'Indonésie et le Laos.

Les investisseurs ciblent les pays les plus pauvres... et qui les protègent le mieux

Selon l'étude, les investisseurs choisissent des pays parmi les plus pauvres, les plus faiblement intégrés dans l'économie mondiale, notamment les pays africains, mais qui offrent de grandes protections pour les investisseurs. Les investisseurs ? L'étude souligne que les principaux pays investisseurs se divisent en trois groupes : les économies émergentes, les Etats du Golfe, et l'Europe et l'Amérique du Nord. Ils proviennent à la fois du secteur public et du secteur privé, et sont attachés aux partenariats avec les pays dans lesquels ils veulent s'implanter, à la fois pour réduire les coûts d'une administration locale souvent complexe, et pour des raisons légales. Un précédent rapport de la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), publié en janvier dernier, faisait également état de l'augmentation des acteurs locaux dans l'achat de terres. Ainsi, à Madagascar par exemple, des entreprises locales ont acheté en masse des terres, puis ont signé des contrats avec des entreprises étrangères, de manière à devenir des intermédiaires entre des sociétés étrangères et la population locale.

Des intérêts de long terme

Mais qu'est-ce que ces investisseurs viennent chercher dans ces terres agricoles ? Plus des trois quarts (78%) des transactions qui ont donné lieu à des vérifications croisées concernent ainsi la production agricole, notamment les biocarburants. Le reste se répartit entre l'extraction minière, le tourisme et la reconversion forestière. 

La ruée sur les terres semble motivée, selon l'étude, par des intérêts de long terme. "La crise alimentaire de 2007-2008 a entraîné une ruée des investisseurs pour les terres agricoles disponibles, qui va continuer dans les années à venir et sur le long-terme", estime l'étude. L'augmentation probable des prix des matières premières alimentaires, la croissance de la population mondiale et de la demande de nourriture, et le développement des biocarburants et de la spéculation financière, font que les terres agricoles sont des investissements d'avenir.
  •   AFP
  • 27 April 2012
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