Mémorandum du Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye

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ENDA Pronat | 24 Novembre 2011

Mémorandum du Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye

Excellence Monsieur le Président de la République,

C’est un honneur pour le Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye que d’être reçu par la plus haute autorité du Sénégal afin de pouvoir livrer, au nom des populations de la communauté rurale de Fanaye, ses résolutions par rapport à l’attribution, par le PCR, de terres d’une superficie de 20.000 ha à des privés étrangers. Ces terres ont été cédées à 2,5 FCFA le m², dans le but de produire du biocarburant et des denrées destinées à l’exportation par une société dénommée SENETHANOL.

Cette attribution faite dans la plus grande opacité a eu à rencontrer une farouche opposition des populations de la communauté rurale. Pour une Communauté Rurale dont la superficie totale est de 185.100 ha (dont 34% sont constitués de terres cultivables et de parcours de bétails, les 66% étant des forêts réservées) et où les populations ne vivent que de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, vous conviendrez avec nous, Monsieur le Président de la République, qu’il est inconcevable de penser à y céder des terres surtout que celles-ci sont d’une extrême utilité pour les populations.

Monsieur le Président de la République, pour vous convaincre de l’illégalité de la procédure d’attribution des terres, il serait important de vous en donner quelques repères.

Une première délibération d’attribution de 300 ha a été faite le 15 juin 2011. Les conseillers ruraux devant siéger n’ont reçus leurs convocations que la veille sans jamais avoir reçu auparavant un quelconque document afférant au dit projet et jusqu’à l’heure où nous sommes, les documents du projet circulent sous cap. Le Sous – préfet de Thillé Boubacar, chargé du contrôle et de la validation de l’attribution approuva immédiatement la délibération de la réunion du 15 juin sans attendre le délai de contestation légal requis. Ce qui nous pousse à qualifier cette attribution d’illégale eu égard au vice de forme.

Pire, le Président du Conseil Rural et la société concernée se sont empressés d’aménager la terre et des forêts entières ont été détruites, à quelques kilomètres de l’emplacement de ce qui devra être «la grande muraille verte ». Pour légitimer le projet et forcer la main, ils ont engagé des jeunes de la localité rémunérés à 4000 FCFA/jour pour la coupe des arbustes et la sécurité de leurs différents sites.

Face à ce problème d’expropriation de nos terres, un Collectif libre de toute appartenance politique fut constitué par les populations de la Communauté Rurale, en association avec les populations de la Communauté Rurale de Ndiayene/Pendao voisine. Depuis sa création, le Collectif s’est évertué à alerter les autorités administratives sur la démarche illégale d’attribution des terres en violations des règles en vigueur, et sur les dangers que représente le projet pour les populations et pour leur environnement. Une lettre d’un collectif de chefs de villages fut d’abord adressée le 22 juin 2011 au Président de la République avec ampliation au Sous-préfet, au Préfet, au Gouverneur et à tous les ministères concernés, mais sans suite. Une marche pacifique a été organisée le 30 juillet 2011 à Fanaye pour sensibiliser les autorités. Le 1er octobre 2011, une autre marche pacifique a été à nouveau organisée à Fanaye avec une caravane de plus de 50 véhicules partant de Dakar et sillonnant la région, de Saint Louis à Podor, en remettant un mémorandum aux autorités administratives (Gouverneur, Préfet, Sous-préfet). Le mémorandum fut également transmis par voie de courrier au Ministre des Collectivités locales, l’informant des dangers potentiels du projet.

En prenant toutes ces initiatives, le Collectif cherchait à sensibiliser et à éviter l’irréparable, mais en vain.

Malgré les contestations de tout bord, un faux procès verbal attribuant au projet les 19700 ha restant a été établi par le Président du Conseil Rural et approuvé par le Sous – Préfet, sans qu’aucune réunion du Conseil Rural ne se soit tenue à cet effet. Ces actes constituent une violation grave de la loi et ne doivent pas, à notre avis, rester impunis.

L’entêtement du Président du Conseil Rural et des responsables du projet à ne pas considérer l’avis des populations, ainsi que le silence assourdissant des autorités administratives, ont conduit aux violences du 26 octobre, orchestrées par le PCR et ayant entraîné des pertes en vies humaines (2 morts par balles, 3 morts par crises cardiaques) et beaucoup de blessés (23 dont 3 ne pourront plus vaquer à leurs occupations habituelles).

Nous tenons à vous informer, Monsieur le Président, que le projet se situe dans une Zone Agro-pastorale à Priorité Elevage (ZAPE), conformément au Plan d’Occupation et d’Affectation des Sols de la Communauté Rurale adopté le 26 Avril 2006 et toujours en vigueur. On dénombre dans cette zone plus de 106.000 bovins et plus de 76.000 ovins et caprins. L’implantation du projet entrainerait naturellement le déguerpissement de cinquante six (56) hameaux et six (06) villages officiels, l’expropriation de populations, et entraînerait la disparition d’espaces de pâture pour le bétail, de champs, de lacs et de forêts classées.

Monsieur le Président de la République,

Contrairement aux prétendus 2500 emplois que devra engendrer le projet, c’est plusieurs milliers d’occupants de la zone qui se retrouveront ainsi sans activités, sans ressources, dans le chômage et le désespoir. Cela a suscité une très grande colère dans tout le Fouta, de Fanaye à Bakel, comme en attestent les communiqués et autres manifestations de soutien organisées en faveur des populations de Fanaye.

Monsieur le Président de la République, dans une zone où les denrées alimentaires se font de plus en plus rares, où la majorité des jeunes s’est expatriée, il nous est difficile de comprendre qu’au lieu d’aménager les terres susceptibles de l’être en vue de développer des cultures vivrières, on opte pour la production de biocarburants et de produits destinés à l’exportation, transformant de braves jeunes en simples ouvriers agricoles. Face à cette situation, le Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye, ici présent, fait sienne votre célèbre déclaration à travers laquelle vous disiez préférer votre jeunesse aux milliards de l’étranger. Comme pour vous répéter Monsieur le Président, nous disons aussi préférer notre sécurité alimentaire et la survie de notre bétail aux emplois précaires et aux piètres infrastructures proposées par SENETHANOL.

Monsieur le Président de la République, Le collectif pour la défense des terres de Fanaye
  • considérant que le projet est dans une zone déclarée depuis 2006 comme zone agropastorale à priorité élevage ;
  • considérant que le projet entraînera l’expropriation de nos terres, le déguerpissement de populations et la transhumance forcée du cheptel ainsi que des dégâts économiques, sociaux et environnementaux sans précédent ;
  • considérant qu’il existe plusieurs vices dans la procédure d’affectation des terres en question ;
  • considérant la trop forte implication du PCR dans la conduite, l’exécution et la mise en œuvre du projet ;
  • considérant que le projet n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les populations et les chefs de villages ;
  • considérant votre engagement à défendre les intérêts des populations, votre leadership dans le continent et votre vision avant-gardiste sur les menaces qui pèsent sur les populations africaines et sénégalaises en particulier,
 Vous demande solennellement :
  • de veiller au retrait pur et simple de ce projet qui se révèle porteur de violences, de désolation et de malentendu entre les familles dans la Communauté Rurale de Fanaye ;
  • de faire prendre des actes portant annulation des délibérations illégales d’affectation des 20.000 ha de terres;
  • de procéder à la destitution du PCR de Fanaye et sa poursuite pour faux, usage de faux, abus de pouvoir, incitation à la violence ayant abouti à mort d’hommes;
  • d’engager des poursuites judiciaires contre les promoteurs du projet pour destruction de forêts entières et incitation à la violence ayant abouti à mort d’hommes ;
  • de tout mettre en œuvre pour la prise en charge des blessés et le dédommagement des familles des victimes.
  Excellence Monsieur le Président de la République
  • Conscient de l’assistance que vous ne cessez d’apporter aux populations rurales depuis votre accession à la magistrature suprême de notre pays,
  • Conscient de votre rôle d’avocat des faibles et des opprimés,
  • Conscient de votre attachement à la communauté rurale de Fanaye,
  • Conscient de votre engagement en faveur de la justice,
Le Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye nourrit l’espoir que vous serez, comme à votre habitude, attentif à ses doléances et aux cris du cœur des populations de la Communauté Rurale de Fanaye et de l’Arrondissement de Thillé Boubacar en général qui ont besoin de paix pour vous accompagner dans la dynamique du développement du Sénégal. Cette paix justement, Monsieur le Président de la République, est devenue précaire dans la communauté rurale de Fanaye depuis l’installation de la société SENETHANOL.

Excellence Monsieur le Président de la République, les populations de la communauté rurale de Fanaye comptent sur vous pour que leurs terres leur soient rendues pour qu’enfin le calme, la sérénité et l’entente cordiale, gages d’une paix durable puissent régner partout au Sénégal.

Nous vous remercions de votre aimable attention et vous invitons à recevoir le mémorandum du Collectif pour la Défense des Terres de Fanaye.

Dakar, le 21 novembre 2011

Voir aussi le communiqué de presse : http://farmlandgrab.org/uploads/attachment/communiqué de presse.doc
  •   ENDA
  • 24 November 2011

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