Réglementer la ruée vers les terres

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Inter Press Service | 14 novembre 2011

AFRIQUE
Réglementer la ruée vers les terres

Jessica McDiarmid

FREETOWN, 14 nov (IPS) - L'adoption de directives internationales pour réglementer les soi-disant accaparements des terres a été repoussée à l'année prochaine après l’échec des négociateurs qui n'ont pas pu s'entendre sur les conditions pour les investissements fonciers à grande échelle, ainsi que leur application.

Ces directives, en élaboration depuis plusieurs années, ont été suscitées par des craintes qu'une "ruée vers les terres" est en train de conduire à la faim, aux conflits et aux violations des droits humains.

Une fois en place, ces directives du Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale viseront à protéger les gens, particulièrement dans des pays pauvres comme la Sierra Leone, de "l'accaparement des terres".

Au début du mois d’octobre, une brève vague d'attention des médias et de la société civile a entouré les sessions du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale à Rome, au cours desquelles un sceau d'approbation des directives, sur la mise en bail des terres, la pêche et les forêts, était attendu.

Toutefois, Olivier De Schutter, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, a déclaré dans un courriel, après les réunions, que les détails sur les conditions pour des investissements à grande échelle demeuraient une pierre d'achoppement non résolue.

"L’autre difficulté majeure potentielle sera de savoir comment ces (directives volontaires) devront être suivies", a indiqué De Schutter.

Une autre semaine de négociations devrait être consacrée en janvier ou février pour parvenir à un consensus sur des directives qui seront "certainement" adoptées au début de l'année prochaine.

"Ce sont des questions complexes et je ne suis pas surpris qu’il faille plus de temps que prévu", a déclaré De Schutter. "Je pense que c'est formidable que nous nous dirigions vers un texte très détaillé, dans lequel les décisions sont prises non pas par vote mais par consensus, malgré la gamme variée d’intérêts en jeu".

Un rapport publié en septembre par 'Oxfam International' indiquait que 227 millions d'hectares de terres dans les pays en développement ont été vendues ou mises en bail depuis 2001. L’essentiel de cette acquisition a eu lieu depuis 2008 et la plupart des terres ont été aux mains des investisseurs internationaux, précise ce rapport intitulé 'Land and Power' (La Terre et le pouvoir).

"On craint que les terres arables soient rares à l'avenir et que le prix des terrains continue d’augmenter", a souligné De Schutter. "On se rend compte soudain que la terre est quelque chose qui se fait de plus en plus rare.

"Alors, il y a aujourd’hui une ruée vers les terres".

De Schutter a déclaré que des pays en développement acceptent de vendre ou de louer de grandes étendues de terre en échange du développement des infrastructures et de l’agriculture - des choses que les gouvernements à court d'argent ne pouvaient pas réaliser seuls.

"Ils (estiment) qu’ils n’ont pas le choix", a expliqué De Schutter.

Et la corruption continue de sévir dans beaucoup de pays, avec des élites locales recevant des pots-de-vin pour des accords fonciers et d'encrage qui profitent à leurs propres intérêts. Le Baromètre de 'Transparency International' sur la corruption dans le monde a indiqué que 15 pour cent des personnes traitant avec les services des affaires foncières ont dû payer des pots-de-vin.

L’investissement étranger direct vers l'Afrique continue d'augmenter à des niveaux sans précédent. La croissance de la production de biocarburants, ainsi que les mécanismes de crédit carbone et la spéculation, constituent des forces motrices clé.

La majorité des transactions foncières en Afrique sont pour des produits d'exportation, notamment les biocarburants et les fleurs coupées, plutôt que pour la production alimentaire, selon le rapport d’'Oxfam International'.

En Sierra Leone, un petit pays d’Afrique de l’ouest d'environ six millions d’habitants, qui est sorti d'une longue guerre civile en 2002, le gouvernement démocratiquement élu du président Ernest Bai Koroma ne cache pas son désir d'attirer l’investissement étranger.

Dans une récente allocution présidentielle, Koroma a fait remarquer que l'agriculture contribue pour près de la moitié du produit intérieur bruit du pays et pour un quart de ses recettes d'exportation, et emploie également environ deux tiers de la population.

Tout en vantant les programmes du gouvernement pour l’agriculture à petite échelle, Koroma a salué les "énormes investissements" faits par le secteur privé, essentiellement étranger.

"Ces entreprises du secteur privé ont non seulement fait d’importants investissements dans le secteur agricole, mais ont également créé des milliers d'emplois pour notre peuple", a déclaré Koroma, dont le gouvernement offre une gamme d'incitations et des allègements fiscaux aux investisseurs étrangers.

Selon un rapport publié par 'Oakland Institute', basé en Californie, au début de 2011, près d'un demi-million d'hectares de terres agricoles en Sierra Leone avaient été mises en bail ou étaient en cours de négociation, tandis que le Programme alimentaire mondial estime qu'environ la moitié de la population demeure dans l'insécurité alimentaire.

Le rapport-pays de 'Oakland Institute' intitulé 'Understanding Land Deals in Africa' (Comprendre les accords fonciers en Afrique), sur la Sierra Leone, a suggéré que l'acquisition de terres à grande échelle est caractérisée par un manque de transparence et de divulgation, de faibles cadres juridiques et la confusion entourant la disponibilité des terres.

"Des terres sont en train d’être cultivées pour la production d'agro-carburants plutôt que la production alimentaire pour les marchés locaux, soulevant de sérieux doutes sur la valeur des investissements pour la sécurité alimentaire locale", indique le rapport.

Ce rapport a souligné que les conditions "sont réunies pour l'exploitation et les conflits" et demandé aux institutions internationales et aux partenaires donateurs de cesser de soutenir les acquisitions de terres à grande échelle dans le pays. (FIN/2011)
  •   IPS
  • 14 November 2011

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