Les nouveaux accapareurs de terres agricoles

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L’intérêt des pays « bailleurs », aux moyens limités, est d’attirer des capitaux étrangers sous la forme d’investissements productifs dans l’agriculture.
Le Paysan Breton | 12 août 2011
    
Les nouveaux accapareurs de terres agricoles

Le mot « accapareur » était déjà utilisé avant la Révolution Française de 1789. Il désignait ceux qui entretenaient la famine pour s’enrichir par le marché noir, un des éléments déclencheurs de la Révolution. Aujourd’hui, l’accaparement des terres  préoccupe la FAO, organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’agriculture et les ONG en Afrique et en Amérique latine. Tandis que certains observateurs estiment qu’il s’agit là d’une nouvelle forme de colonialisme.

Oppositions locales

Selon la FAO, pour réduire de moitié la faim dans le monde d’ici 2015 (objectif du Sommet de 1996), il est nécessaire d’investir au moins 30 milliards de dollars supplémentaires par an. Or les pays en développement n’ont pas la capacité à mobiliser de telles sommes et les aides publiques des pays développés stagnent. C’est le secteur privé qui a augmenté ses investissements en particulier sous forme d’achat de terres ou de bail à long terme. Les plus gros investisseurs sont les États du Golfe, la Chine et la Corée du Sud. Tandis que les pays investis sont essentiellement en Afrique et en Amérique latine. Parfois les populations locales s’opposent aux projets. Ce fut le cas à Madagascar après l’annonce du gouvernement de louer 1,3 million d’hectares, soit la moitié des terres arables, au sud-Coréen Daewoo pour un bail de 99 ans, afin de nourrir les Coréens... Le projet a été abandonné après la chute du président Marc Ravalomanana. D’autres évènements similaires ont eu lieu en Indonésie où 500 000 hectares devaient être dévolus à des investisseurs d’Arabie Saoudite ou encore aux Philippines où la Chine prévoyait d’investir 1,2 million d’hectares. « Des stratégies plus participatives auraient offert des solutions » explique la FAO, appelant, sans trop y croire, à un code de conduite plus contraignant.

Les fonds de pension

Malgré les conflits et controverses provoqués par ces tentatives d’acquisitions foncières, les fonds de pension continuent à s’y intéresser. Ces fonds, alimentés  par les cotisations de retraite de citoyens  japonais, norvégiens, hollandais, coréens ou américains pour les plus importants, sont destinés à réaliser des produits financiers pour servir les retraites. L’intérêt pour les investisseurs réside dans le fait que la terre est devenue un bon « fondamental », c’est-à-dire prometteur, d’un bon rapport offre/demande avec une population mondiale qui augmente et des ressources alimentaires qui deviennent limitées. Entre 2005 et 2010, ces investissements ont été multipliés par trois. Certes l’actif terre représente un montant infime  dans le total des investissements des fonds : entre 5 et 15 milliards de dollars sur 23000 milliards d’actifs au total.

Bénéficier des infrastructures

L’intérêt des pays « bailleurs », aux moyens limités, est d’attirer des capitaux étrangers sous la forme d’investissements productifs dans l’agriculture. Cela constitue une solution de rattrapage pour des pays africains qui ont délaissé leur agriculture depuis plusieurs années. Les consciences se sont réveillées avec les dernières crises alimentaires. Le bénéfice attendu par les pays en développement réside dans la création d’emplois, le transfert de technologie et le développement d’infrastructures liées à ces investissements. Mais aussi la fourniture locale. Ainsi, Varin Agriculture, une entreprise indienne qui a loué 452 000 hectares à Madagascar pour  produire du riz, du blé et du maïs. La moitié de la production est destinée à l’approvisionnement local. Une toute autre démarche pour GEM Biofuels PLC basée dans l’île de Man, paradis fiscal britannique, pour produire dans le sud de Madagascar, des biocarburants à partir de jatropha. Un rapport de la FAO estime qu’il y a aussi des risques importants tant sur le plan social pour les paysans locaux de se voir privés de terres, que sur le plan économique quand il y a concurrence avec les productions locales. Risque environnemental aussi, si les pratiques ne sont pas respectueuses.

Paul Pen

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