Photo d'illustration. Crédit LUC GNAGOLa Tribune 23/04/25
Macron à Madagascar : un barrage à 600 millions d’euros pour éclairer 40 % de l’île
Emmanuel Macron effectue une visite d’État inédite à Madagascar, accompagnée de signatures d’accords majeurs dans l’énergie, l’agriculture et la gestion de la dette. Au cœur des discussions : l’entrée d’EDF dans le consortium du barrage de Volobe, la création d’un espace agricole commun dans la région, et la volonté affichée d’éviter les erreurs du passé, alors que 75 % des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté et que seuls 36 % ont accès à l’électricité.
Julien Gouesmat
Emmanuel Macron est arrivé ce mercredi matin à Madagascar en compagnie de son épouse. Sur le tarmac de l'aéroport d'Ivato, récemment construit par la société française ADP, le couple s'est présenté sur un tapis rouge bordé d'une foule d'enfants aux chapeaux de raphia. 80 % de la production mondiale de raphia est malgache.
Cette fibre, reconnue pour son bon compromis entre souplesse et solidité, est issue de feuilles gigantesques d'une espèce de palmier pouvant atteindre jusqu'à 20 mètres de haut. Au cours des quatre dernières années, les importations européennes de cette matière depuis Madagascar ont augmenté de 20 %. Pourtant, la production reste majoritairement artisanale.
Un difficile espace agricole commun
Côté malgache, la production agricole est un des enjeux majeurs de cette visite d'État d'Emmanuel Macron. Le président Andry Rajoelina a assuré que « plusieurs protocoles d'accords dans les domaines de l'agriculture, de l'éducation, de l'énergie et des infrastructures » devraient être signés au cours de cette rencontre. À Antananarivo on espère créer un espace agricole commun au sein de la Commission de l'océan Indien. Sujet délicat puisque la Réunion — intégrée dans l'UE — est membre de la Commission aux côtés des Comores, des Seychelles, de Maurice et de Madagascar.
Dans ce dernier pays, l'agriculture continue de contribuer à hauteur d'un quart du PIB et l'essentiel de la production est vivrière, signe d'une économie peu développée et où les terres les plus fertiles sont vendues à des groupes étrangers. L'affaire Daewoo en est l'exemple le plus marquant : en 2007, contre 6 milliards d'euros sur 20 ans, le gouvernement malgache a vendu 1,3 million d'hectares de terrain — l'équivalent de la Belgique — à l'entreprise coréenne Daewoo. Aujourd'hui, alors que de nombreux entrepreneurs français de tous secteurs accompagnent le président, les Malgaches ne veulent pas reproduire leurs erreurs préférant « le co-investissement ».
L'énergie au cœur de la visite
C'est dans le secteur énergétique que le co-investissement est attendu et qu'un contrat devrait être signé. EDF devrait intégrer le consortium opérant le barrage de Volobe aux côtés de la société énergétique malgache Jirama. Ce projet estimé à 600 millions d' euros — l'Union européenne a déjà investi 20 millions l'an dernier — est attendu depuis plus de 20 ans à Madagascar. Mais les appels d'offres successifs et la corruption importante au sein de la Jirama ont retardé la réalisation pourtant essentielle de cette installation qui devrait produire 40 % de la consommation de l'île.
Sur place, seuls 36 % des habitants ont accès à l'électricité contre 50 % en moyenne en Afrique. Difficile avec un tel réseau de consolider l'économie nationale. Mais la construction du barrage ne résoudra pas à elle seule le mal qui ronge l'un des 44 pays les moins avancés au monde.
Pour le Fonds monétaire international, le préalable à la réalisation des projets énergétiques à Madagascar est une réforme de la Jirama. Actuellement, l'entreprise vend son électricité 15 centimes de moins qu'elle ne l'achète, obligeant l'État à dépenser 250 millions d'euros chaque année pour la renflouer, soit 10 % de son budget. Rien n'assure donc que la Jirama aura la capacité d'acheter l'électricité du futur barrage si son prix est trop élevé.
Dette et souveraineté
Outre l'énergie, Antananarivo a évoqué, en amont de l'arrivée d'Emmanuel Macron, de possibles négociations sur un effacement de la dette malgache, sans plus de détails. Dans un pays où la pauvreté touche 75 % de la population, la venue du président français et d'une vingtaine de chefs d'entreprise est vécu comme une réelle opportunité. Une occasion d'investissement ( énergie, infrastructures, télécoms, agriculture etc.) mais aussi une chance de renégociation (dette, souveraineté de certains territoires dans l'Océan indien).
Alors que le chef d'État français sort d'un passage express à la Réunion, critiqué pour son absence de solutions aux préoccupations locales, la visite d'État à Madagascar, hautement économique, ne devra pas se résumer à une succession de symboles.
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Midimadagasikara 22 avril 2025
Les chercheurs du FOFIFA et le secteur privé sont prêts à relever ce grand défi.
Une plateforme réunissant le secteur privé et les chercheurs vient d’être mise en place en vue d’accélérer l’application du référentiel systémique permettant d’atteindre la sécurité alimentaire, et par conséquent la souveraineté alimentaire tant prônée au niveau de l’Océan Indien.
Ces thèmes feront d’ailleurs l’objet de discussions lors du Ve Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission de l’Océan Indien qui aura lieu jeudi 24 avril 2025 au CCI Ivato. Des tables rondes seront ainsi organisées durant cet événement de grande envergure. Les thèmes seront axés sur « la transformation agricole dans l’Océan Indien : moteurs de souveraineté alimentaire et d’intégration productive » ainsi que sur « les échanges économiques et commerce inter-régionaux : vers une meilleure fluidité et compétitivité régionale ». A cette occasion, Faly Rasamimanana, en tant que panéliste représentant du secteur privé au sein du Conseil d’Administration de FOFIFA Centre national de la recherche appliquée au développement rural, présentera le référentiel systémique de développement inclusif et durable incluant la digitalisation de l’agriculture.
Une plateforme réunissant le secteur privé et les chercheurs vient d’être mise en place en vue d’accélérer l’application du référentiel systémique permettant d’atteindre la sécurité alimentaire, et par conséquent la souveraineté alimentaire tant prônée au niveau de l’Océan Indien.
Ces thèmes feront d’ailleurs l’objet de discussions lors du Ve Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission de l’Océan Indien qui aura lieu jeudi 24 avril 2025 au CCI Ivato. Des tables rondes seront ainsi organisées durant cet événement de grande envergure. Les thèmes seront axés sur « la transformation agricole dans l’Océan Indien : moteurs de souveraineté alimentaire et d’intégration productive » ainsi que sur « les échanges économiques et commerce inter-régionaux : vers une meilleure fluidité et compétitivité régionale ». A cette occasion, Faly Rasamimanana, en tant que panéliste représentant du secteur privé au sein du Conseil d’Administration de FOFIFA Centre national de la recherche appliquée au développement rural, présentera le référentiel systémique de développement inclusif et durable incluant la digitalisation de l’agriculture.
10 000 ha de terrains sécurisés
« Pour pouvoir accélérer l’application de ce référentiel systémique, dont l’efficacité a déjà été prouvée, nous avons mis en place une plateforme réunissant le secteur privé et les chercheurs, afin d’encourager tous les autres acteurs du développement à s’y impliquer. En effet, le développement d’un partenariat entre ces deux parties contribue véritablement à la sécurité et à la souveraineté alimentaires, non seulement à Madagascar, mais aussi à l’échelle de l’Océan Indien », a-t-il déclaré.
Dans un premier temps, des terrains sécurisés de grande superficie, totalisant près de 10 000 hectares et appartenant à des propriétaires privés, ont été identifiés dans 4 régions. L’objectif est d’y promouvoir une agriculture biologique et durable. Parmi les filières prioritaires figurent le maïs, le haricot, l’oignon, le taro, les épices, les légumes, ainsi que le pois du Cap et d’autres grains secs.
« Pour la première année, nous prévoyons une production de 500 tonnes de taro à destination de Mayotte et des Comores. En ce qui concerne le maïs, très prisé par les pays membres de l’Indianocéanie, environ 1 000 hectares seront exploités dès le démarrage du projet. Par ailleurs, 1 500 hectares sont prévus pour les cultures de grains secs, notamment le haricot, à expédier vers Maurice et La Réunion. En outre, 250 hectares seront consacrés à la culture d’oignons, également très demandés dans ces deux îles voisines », a-t-il ajouté.
En amont de la production, des intrants biologiques et des semences certifiées issues des résultats de recherche validés par le FOFIFA seront vulgarisés pour des exploitations à grande échelle.
« Le système est également digitalisé grâce à l’application Holy Appli, qui permet aux consommateurs internationaux et aux bailleurs de fonds de suivre en temps réel tous les processus de production. Notre objectif est de fournir des aliments sains, garants de la santé de la population, ainsi que des matières premières conformes aux exigences des industries, tout en assurant la stabilité des prix sur le marché de l’Océan Indien. Dans cette même dynamique, une partie des recettes issues de la commercialisation des produits agricoles biologiques sera reversée aux chercheurs, à titre de motivation. Tous les fonds mobilisés dans le cadre de ce référentiel systémique seront utilisés de manière judicieuse et transparente, grâce à la traçabilité offerte par Holy Appli. La vulgarisation des formations à distance à l’intention des producteurs est également prévue, en complément du suivi-évaluation en temps réel de toutes les actions entreprises sur le terrain, en faveur d’une agriculture durable », a expliqué Faly Rasamimanana, l’initiateur de ce projet.
Il convient de rappeler que ce référentiel systémique de développement durable et inclusif a déjà été présenté lors de la dernière réunion de l’ASARECA (Association pour le renforcement de la recherche agricole en Afrique de l’Est et du Centre), regroupant 15 pays africains.
Navalona R.