Les terres d'Amérique Latine suscitent les convoitises
Le Figaro | le 17/11/2011

Les terres d'Amérique Latine suscitent les convoitises

Par Hayat Gazzane 

La société de gestion Pergam veut lever 100 millions de dollars pour se développer sur ce marché à fort potentiel. Son patron, Olivier Combastet, regrette les critiques généralisées contre ces investissements.

Crise alimentaire, poussée démographique, réchauffement climatique ou encore changement dans les modes de consommation des pays émergents sont autant d'arguments qui poussent les gestionnaires de fonds à se ruer sur les terres agricoles. La récente volatilité des marchés et la recherche d'une plus grande diversification des portefeuilles ne font que renforcer le phénomène. Si tous les continents sont concernés, l'Amérique Latine semble aujourd'hui la plus privilégiée.

Pergam, société de gestion qui investit sur les terres argentines via sa structure Campos Orientales, une des principales entreprises de développement agricole française sur place, a flairé le filon il y a plus de 5 ans. «Après la crise qu'a traversée le pays en 2001, il y a de nombreuses opportunités à saisir», souligne son fondateur, Olivier Combastet, qui a lancé une levée de fonds de 100 millions de dollars en septembre, qui court jusqu'à fin avril, pour accélérer son développement local.

Campos Orientales est déjà propriétaire de 19.000 hectares en Argentine (dont 7000 sont mis en location) et 24.000 en Uruguay. «Notre but est de développer notre activité de location, de poursuivre la croissance en Argentine, diversifier notre production en misant notamment sur le riz, le lait et l'élevage de mouton, et de nous ouvrir à un troisième pays», explique Olivier Combastet.



Activité rentable

Malgré la fébrilité des marchés, Pergam a déjà levé 30 millions de dollars sur les 100 millions visés. Les résultats de Campos Orientales sont en effet jugés convaincants. D'après Olivier Combastet, «la valeur de la société a bondi de 50% en quatre ans. Le résultat net de 3 millions d'euros pour l'exercice décalé 2010-2011, devrait être plus que doublé l'an prochain».

Une performance due à une stratégie d‘investissements qui respecte trois points essentiels: d'une part, les exploitations achetées sont peu ou pas productives. D'autre part, elles sont traversées par des cours d'eau. Enfin, elle ont un fort potentiel de production. La diversification de la production est en effet la clé de la réussite: «blé, riz, maïs, soja, orge élevage ovin et bovin, lait. C'est une source de revenus et de réduction de risque car l'exploitation est plus autonome», souligne Olivier Combastet. Mais «l'exploitation agricole demande du temps, du suivi et de l'argent», rappelle le patron de Pergam. Elle n'arrive complètement à maturité qu'au bout de sept ans. «Ce sont des investissements à long terme, pas de la spéculation. Campos orientales est une société et pas un fonds», précise ce dernier.

Question d'éthique

Les banques et les fonds profitent eux aussi des opportunités d'achats de terres agricoles. Deutsche Bank et Goldman Sachs ont mis la main sur des fermes en Chine, Morgan Stanley a acheté des milliers d'hectares en Ukraine, tandis que BlackRock a lancé un fonds agricole en 2010. Ces opérations d'investissement attirent toutefois l'attention des ONG. Dans son dernier rapport, Oxfam pointe du doigt des acquisitions de terres qui parfois «violent les droits humains, bafouent le principe de consentement libre, ignorent l'impact sur les rapports économiques, éludent les contrats transparents et évitent toute planification démocratique». Des critiques qui ne s'appliquent pas à tous les investissements sur les grandes exploitations, selon Olivier Combastet :



Cet avis est relayé par les chercheurs de l'Institut International pour l'Environnement et le Développement (IIED). Dans une étude commandée par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), datée de 2009, ces derniers réfutent le qualificatif «d'accaparement de terres». «J'éviterais le terme générique de spoliation. Réalisés de meilleure manière, ces accords peuvent apporter des résultats positifs pour toutes les parties et être un outil de développement», note Rodney Cooke, directeur de la Division consultative technique du Fonds international pour le développement agricole.

Si l'IIED confirme que «beaucoup de pays n'ont pas de mécanismes suffisants pour protéger les droits locaux et pour prendre en compte les intérêts et moyens d'existence des populations locales», il estime toutefois que ces investissements peuvent être créateurs d'opportunités en terme d'emploi, d'infrastructure et de productivité agricole. Le centre d'analyse stratégique français le rappelait l'an dernier, dans un rapport sur le sujet transmis à la ministre de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet : «Nourrir 8 milliards de personnes d'ici à 2030 est possible mais nécessite la résolution des inégalités d'accès à la nourriture et une forte augmentation de la production agricole mondiale, ce qui suppose des investissements considérables dans l'agriculture ainsi qu'un accroissement des flux commerciaux internationaux».

Pour atteindre le bon équilibre, la solution serait donc de mieux encadrer le phénomène à l'échelle internationale, selon l'IIED. Ce passe par la mise en place de «directives pour la bonne gouvernance foncière, ou un code définissant des règles pour les investissements» afin d' «améliorer les mécanismes de décision et la négociation des contrats».

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Par Hayat Gazzane
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Source
Le Figaro http://www.lefigaro.fr/matieres-premieres/2011/11/17/04012-20111117ARTFIG00787-les-terres-d-amerique-latine-suscitent-les-convoitises.php

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