Abdalilah Youssef, directeur général de Malibya à L’AUBE : Notre ambition pour le Mali

Abdalilah Youssef, directeur général de Malibya

L'Aube (Bamako) | 10/11/2008

Née de la volonté commune du chef de l’Etat Amadou Toumani Touré et du Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, de faire de l’Agriculture, un maillon fort de la coopération Libyo-malienne, Malibya est venue s’ajouter à la longue liste de société libyenne opérant au Mali.

Cette société, à vocation agricole a été chargée par les dirigeants des deux pays, de mettre en valeur 100 000 hectares, mis à la disposition de la Jamahirya libyenne par les autorités maliennes. C’est un pactole de plusieurs milliards de FCFA qui a été décaissé par la Libye, en vue de réaliser une véritable révolution verte à l’office du Niger à Ségou.

Quelles sont les missions assignées à Malibya ? Les objectifs de la société ? L’impact de ce projet pour les populations ? Ses retombés pour le Mali ? Voilà, entre autres questions que nous avons abordées avec le directeur de Malibya, Abdjalil Youssef.

L’Aube : Monsieur le directeur, dans quel contexte Malibya Agriculture a été créée?

ABDJALIL YOUSSEF : Au nom d’Allah clément et miséricordieux, tout d’abord nous vous souhaitons la bienvenue ici au siège de la société Malibya. Pour situer le contexte dans lequel Malibya Agriculture a été créée, il faut d’abord commencer par définir la société et ses objectifs. Les objectifs de Malibya Agriculture sont des objectifs stratégiques qui visent à améliorer essentiellement les relations qui existent déjà entre le Mali et la Grande Jamahiriya arabe libyenne ; relations tissées par les deux chefs d’Etats, en l’occurrence le Guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi et son excellence Amadou Toumani Touré, président de la République du Mali. Ceux-ci ont compris qu’ils fallaient créé une société chargée de consolider de telles relations à travers la gestion des investissements libyens au Mali et dans l’esprit de développer les ressources naturelles, notamment dans la zone de l’Office du Niger.

C’est dans ce cadre que Malibya est née. Malibya Agriculture, comme son nom l’indique, vise le développement et la promotion de l’agriculture afin de parvenir à l’auto suffisance alimentaire au Mali. Parmi les cultures principales que vise la société, la production du riz vient en tête, surtout que, de plus en plus, les grands pays producteurs de cette céréale se réservent. Assurer la sécurité alimentaire en riz permet aussi de palier une autre grosse difficulté, à savoir les pays développés qui monopolisent les cultures et les sociétés qui monopolisent les prix des denrées alimentaires sur le plan mondial. Il est impératif que nous développions les ressources naturelles sur nos propres terres. Cela m’amène à vous citer un passage évoqué dans le Livre vert : « Il n’y a pas de liberté pour une société qui mange au-delà de ses frontières ».

C’est donc pour assurer l’indépendance à toute l’Afrique que la Grande Jamahiriya a décidé de créer Malibya pour  mettre en valeur 100 000 hectares dans la zone Office du Niger, dans la région de Ségou. C’est un projet qui va naturellement être très coûteux, mais les objectifs et les idéaux qui sont  derrière ce projet sont plus importants que les coûts.

Les composantes du premier volet du projet sont d’abord le canal d’approvisionnement en eau sur une longueur de 40 km, qui s’étend de la zone de Kolongotomo jusqu’au site du projet, dans la zone de Boky-Wèrè. La capacité minimale du canal est de 130 m3. Ce qui permet d’approvisionner plus de 11 millions de m3 par jour et plus de 4 milliards de m3 par an. L’autre composante, c’est la route, longue, elle aussi, de 40 km. Le coût du contrat est estimé à 25 milliards de FCFA. Il va être exécuté pour une durée de 12 mois.

Il va être le canal le plus géant sur le territoire malien, et l’un des plus grands en Afrique. Nous avons commencé à mettre en œuvre le projet, qui va s’exécuter par étape dont la première est de 25 000 ha. Pour ces 25 000 ha, nous avons commencé les travaux depuis déjà plus d’un an. Les études techniques ont été réalisées, telles que les études topographiques, mais aussi les études pédologiques pour évaluer les différents types de sols. Les études de rentabilité économiques ont été également réalisées.

Le projet va être un projet multifonctionnel qui englobe des activités d’agriculture, d’élevage et d’industrie. Donc, en plus de l’agriculture, il y aura des productions animales, des usines pour la manufacture des produits agricoles et la concentration des tomates, un abattoir, et des laboratoires.

Nous avons jugé nécessaire de diviser ce projet par étape pour plusieurs raisons. Les infrastructures de base existantes sont très faibles. La capacité actuelle du système d’irrigation qui est de 75 m3 par seconde ne peut pas nous permettre d’approvisionner le projet dont la capacité minimale est de 130 m3 par seconde.

Par ailleurs, selon les données reçues du ministère de l’agriculture et de l’Office du Niger, la quantité d’eau disponible en contre saison est assez faible. Ce qui constituer une autre difficulté à laquelle Malibya peut être confrontée pendant cette période.

Est-ce que vous pouvez nous donner plus de précisions sur les composantes Elevage et Industrie du projet?

Dans les 25 000 ha en cours, la production de riz sera d’environ 200 000 tonnes par an ; par rapport au volet Elevage, les projections sont de 25 000 tonnes de viande par an ; concernant l’industrie, c’est la transformation de la tomate qui sera en première ligne. Toutes ces évaluations ne concernent que la première phase. Lorsque les autres phases vont être effectives,  nul doute que la production va être triplée, voire quadruplée.

Rappelons que ces activités demandent de la main d’œuvre où la priorité sera donnée à la population locale. D’où toute l’importance de l’investissement agricole, qui a un caractère particulier. Il est différent de l’investissement dans le secteur touristique ou dans le secteur immobilier qui est de court ou moyen terme, alors que l’investissement agricole est à long terme. C’est un investissement qui a comme base, le social, à l’image des objectifs globaux de Malibya qui prônent le développement social.

L’aménagement d’un hectare peut aller à 4 millions de FCFA. Si on calcule le coût des 100 000 hectares, on se retrouve à 400 milliards de FCFA, sans compter les services qui vont être implantés, pour appuyer l’élevage, les infrastructures, les usines etc.

La société Malibya pense que le développement du Mali et de l’Afrique dépend, dans un premier temps, de la promotion et du développement de l’agriculture au niveau interne. Il ne s’agit pas des céréales importées ou exportées, mais celles que nous produisons nous mêmes ici et que nous utilisons chez nous.

Un autre point que j’aimerais évoquer ici, c’est que la Grande Jamahiriya ne ménage aucun effort pour le développement et la promotion de l’Afrique. Donc, ce que nous demanderions en tant qu’Africains  avant d’être Libyens, c’est l’appui et la solidarité des structures concernées dans l’aménagement des 100 000 hectares, ainsi que les populations locales.

Au stade actuel des choses, est-ce que Malibya rencontre des difficultés ? Si oui, lesquelles?

Nous avons par exemple tout de suite évoqué les objectifs de la société de façon globale, ainsi que les différents compartiments qui va comprendre la société. J’ai dit aussi que nous avons commencé les travaux presque un an avant même l’attribution de la terre, avec le seul esprit de traduire les rêves des deux chefs d’Etat, le Guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi et son excellence Amadou Toumani Touré. J’ai dit tantôt aussi que tout investissement agricole commence par la réalisation d’infrastructures de base comme le canal qui va être exécuté et la route goudronnée qui le longe, d’environ 40 km, ainsi que l’électricité qui n’existe pas du tout.

Au vu de tout cela et de la grandeur des investissements prévus, nous avons suggéré, dès le départ, à nos frères maliens, les autorités, que la société Malibya devrait bénéficier de l’exonération fiscale et douanière. Mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas encore eu des éléments de réponse clairs. Par exemple pour nous dire à quelle hauteur la société va être exonérée.

L’autre difficulté majeure concerne directement l’Office du Niger qui nous impose le paiement de la redevance eau comme les autres, alors que nos conditions sont totalement différentes. En effet, pour les autres, y compris les populations, c’est l’Office qui met en place l’infrastructure, c'est-à-dire les canaux d’irrigation, alors que dans notre cas, c’est nous-mêmes qui allons le faire.

Un autre point que nous avons déjà évoqué, c’est la question relative à la quantité d’eau en contre-saison. A ce niveau, nous pensons que, pour les lâchers d’eau pendant cette période,  l’Office du Niger devrait donner la priorité à notre projet qui est un projet stratégique qui va dans l’intérêt de tous.

Ces différents points que je viens d’évoquer constitue des difficultés que nous rencontrons et nous demandons toujours aux différentes autorités compétentes de nous aider et d’être coopérantes  pour nous permettre de réaliser nos objectifs.

Le 31 octobre dernier, Malibya a signé avec la société chinoise CGC, un contrat. Pouvez-vous nous en parler ?

Principalement c’est un contrat qui a été signé pour l’exécution des travaux relatifs à la construction du canal et la route le longeant. [ndlr : d’un montant de plus de 50 millions de dollars]

Nous avons fait dans un premier temps la conception du canal, en déterminant, le tracé. Nous avons aussi conçu la route qui va le longer, elle est d’environ 7 m de largeur. Les travaux, qui débutent en principe ce mois de novembre, vont durer 12 mois. Parallèlement à ce contrat, nous avons signé un contrat avec un bureau de contrôle qui va suivre les travaux.

Aujourd’hui même (l’interview a été réalisée le 6 novembre), une mission de la société est à l’Office du Niger pour la réception officielle du chantier.

Est-ce que Malibya prévoit des actions en faveur des communautés ?

Bien sûr, il y a effectivement des actions à l’endroit des populations locales ; mais ces actions ne seront pas en terme d’aide financière, plutôt la création d’emplois, et d’autres réalisations visant à lutter contre la pauvreté, à assurer la sécurité alimentaire.

On a appris que Malibya Agriculture, au terme de l’exploitation des 100 000 hectares, va générer jusqu’à 10 000 emplois ?  Vous le confirmez ?

Nous pouvons même dire que c’est le chiffre le plus bas qu’on puisse avancer. N’oubliez pas que 100 000 ha font 1000 km2. En terme de création d’emplois, l’aménagement de cette superficie peut même assurer un emploi pour l’ensemble des habitants de la région de Ségou.

A terme, est-ce que on peut avoir une idée des retombées d’un tel projet pour le  Mali et, au delà, pour les pays de la CENSAD, conformément à la vision du Guide de la Révolution libyenne ?

Le premier objectif de ce projet, c’est d’assurer la sécurité alimentaire pour le Mali d’abord, et ensuite pour l’Afrique. Dans le cadre du projet, nous avons signé un contrat avec une société chinoise pour la production du riz hybride. Aujourd’hui, en terme de rendement en ce qui concerne le riz,  le Mali est à 2 tonnes à l’hectare. En introduisant le riz hybride, le rendement sera majoré et passera de 2 à 8 ou 9 tonnes à l’hectare. Ce sont essentiellement les pays puissants qui produisent le riz hybride et qui en ont le monopole. Il n’existe pas ici. Ça va être une première au Mali, voire en Afrique.

Pour terminer, est-ce vous avez un message à l’endroit des Maliens ?

Je répète ce que j’avais dit : ce projet constitue un rêve, une ambition pour le chef de l’Etat Amadou Toumani Touré et pour le Guide de la révolution, Mouammar Kadhafi. Il vise essentiellement à assurer la sécurité alimentaire pour tous les Maliens d’abord, ensuite pour le reste des Africains. La société Malibya est créée pour traduire ce rêve en réalité.

De ce fait, mon premier message est à l’endroit non seulement des autorités, mais aussi des populations locales de l’office du Niger et de la région de Ségou, pour leur que cette société et ce projet sont les leurs ; pour développer la région de Ségou et le Mali, socialement et économiquement ; pour créer des opportunités d’emplois afin de résorber le chômage.

En ce qui concerne la réorganisation des populations, c’est-à-dire les villages qui vont quitter leur site, je dis que tout arrangement engendre un dérangement, et je demande la coopération de tous a ce niveau. Il ne s’agit pas pour nous de chasser les gens ou de les évacuer, mais tout simplement de les réorganiser.

Pour terminer, c’est le lieu pour moi de réaffirmer que nous avons reçu beaucoup d’appuis de la part des structures publiques concernées, et nous avons bénéficié de l’appui et du soutient direct du chef de l’Etat malien Amadou Toumani Touré.

Il ne nous reste plus qu’à demander à Allah qu’il nous guide et qu’il nous appuie dans la réalisation de ce projet qui va dans l’intérêt de tous.

Réalisée par CH Sylla et Sékou Tamboura

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