Récolte de misère

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Entretien du 2 juin 2014 avec Erastus Odindo sur la lutte de sa communauté pour défendre ses terres contre l’entreprise américaine Dominion Farms.

En 2004, Dominion Farms est arrive, plein de belles promesses, dans le bassin du marais de Yala au Kenya. L’idée était de transformer une ferme d’État moribonde en une plantation de riz moderne, de fournir des emplois à la population locale et de construire des hôpitaux et des écoles. Le propriétaire américain de l’entreprise, Calvin Burgess, se présentait comme un “homme de Dieu” chargé d’une mission, amener à l’Afrique le progrès à l’américaine. La population locale, convaincue par cette vision grandiose, décida sans hésiter et d’un commun accord, de permettre à Dominion Farms de cultiver 3 700 ha de leurs terres.

Mais dix ans plus tard, les communautés n’ont récolté que la misère.

Medium_kenya_locals-yala-swamp_janakcommunicationsMarais de Yala (Photo : Janak Communications)

« Quand Burgess est arrivé, nous l’avons laissé prendre les terres qui avaient déjà été allouées précédemment au Gouvernement pour y établir une ferme expérimentale, »  rappelle Erastus Odindo, un paysan local. « Mais Dominion Farms a clos bien plus de terre que prévu. L’entreprise a saisi toutes nos terres communautaires sans notre consentement et bloqué notre accès à l’eau. »

Odindo et les autres paysans locaux ont perdu presque toutes les terres qu’ils utilisent pour faire paître leurs bêtes.

« Burgess s’est moqué de notre agriculture et nous a dit d’abandonner notre élevage traditionnel parce que c’était un système dépassé, » raconte Odindo. « Mais maintenant il a entouré nos terres de pâture d’une clôture et utilise les terres pour y élever ses propres troupeaux. Nous y perdons deux fois parce qu’en plus, il vend ses bêtes sur le marché local à moindre prix, ce qui nous pénalise. »

Les accords signés par Dominion Farms avec les autorités locales concernaient une grande ferme rizicole. Mais l’entreprise s’est également lancée dans l’élevage, la production de légumes et de bananes, et le poisson.

« L’entreprise produit et vend les mêmes choses que nous, les paysans d’ici, » explique Odindo. » Tout d’abord Dominion nous a pris nos terres et notre eau, et maintenant, il nous prend nos marchés. Et leur façon de cultiver n’est pas plus efficace que la nôtre. Toutes leurs machines ne servent qu’à faire du bruit. »

La ferme rizicole de Dominion s’étale aujourd’hui jusqu’aux limites du village d’Odindo. « Quand l’entreprise répand des pesticides par avion, cela tombe directement sur nos maisons, empoisonnant les gens et contaminant nos réserves d’eau, » déplore-t-il. « Les ouvriers sont aussi régulièrement exposés aux pesticides. »

Les communautés locales accusent Dominion de polluer leur sol, leur eau et leur air et de porter gravement atteinte à la biodiversité de la région. Elles disent qu’il leur est aujourd’hui difficile d’avoir accès à de l’eau propre à cause de la pollution provoquée par les pesticides et les engrais chimiques et que c’est dangereux pour la santé des mères et des enfants.

Selon Odindo, les bons emplois promis par l’entreprise se sont également révélés un mirage. La plupart des ouvriers sont employés sur une base intermittente et seuls quelques gardes ont un statut de personnel permanent. La paie est versée de façon irrégulière et quelquefois en retard. « L’entreprise n’a pas versé les salaires depuis deux mois et les gens se demandent si elle est en difficulté financière, » indique Odindo.

Dominion, toutefois, semble bien avoir l’intention de saisir encore plus de terres. Après s’être emparée de toutes les terres gérées de manière collective par les communautés, l’entreprise poursuit une politique agressive de pourparlers avec des propriétaires fonciers privés. D’après Odindo, Dominion travaille avec des milliardaires kenyans pour obtenir des terres destinées à de grands projets agricoles, comme la plantation de canne à sucre qu’il est en train de commencer à mettre en place.

Dans le même temps, Dominion Farms poursuit aussi un nouveau projet de plantation de riz dans l’État de Taraba au Nigéria ; cette plantation couvrirait plusieurs fois l’équivalent du projet du marais de Yala. Odindo espère que les communautés du Nigéria sauront tirer les leçons de ce qu’a subi sa communauté et ne pas se laisser duper par les promesses de Dominion.

Pour plus de renseignements, veuillez contacter

Erastus Odindo: [email protected]

Chris Owalla: [email protected]

(Merci à Chris Owalla de CIAG-Kenya pour son aide concernant cet entretien)
 

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