Congo: Détruire 180.000 hectares de forêts pour planter des palmiers à huile

Inter Press Service | 24 juin 2013

CONGO
Détruire 180.000 hectares de forêts pour planter des palmiers à huile

Arsène Séverin

BRAZZAVILLE, 24 juin (IPS) - Avec trois millions de dollars venant d’un projet malaisien, environ 400 hectares de palmiers ont déjà été plantés depuis mars dernier sur le site de Yengo dans la Cuvette, une zone forestière du nord du Congo-Brazzaville.

Cette plantation de palmiers à huile constitue la première étape des trois prévues pour atteindre en 2016 plus de 180.000 hectares de forêts qui seront rasées en faveur de palmiers plantés dans cette zone située entre les districts de Makoua et de Mokeko, à environ 600 kilomètres au nord de Brazzaville, la capitale congolaise.

Les autorités congolaises annoncent que cette entreprise coûtera 744 millions de dollars. Les préfinancements ont déjà été trouvés par la société malaisienne 'Atama Plantation'. L’activité pourra générer jusqu'à 20.000 emplois, indique l’entreprise.

"Cela nous réjouit d'avance et nous sommes pressés de voir déjà naître les tout premiers emplois", déclare, satisfait, Jules Ongania, chef du village Kandeko, près de Yengo.

Pour le ministre congolais de l'Agriculture et de l'Elevage, Rigobert Maboundou, ces plantations permettront une production de 720.000 tonnes d'huile de palme par an. Le Congo n’a pas de production industrielle d'huile de palme. La consommation nationale est en partie l'œuvre des paysans.



Selon les statistiques publiées en 2012 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la filière huile de palme connaît depuis 2010 une augmentation 8,7 pour cent. La consommation mondiale actuelle d'huile de palme est estimée à 22,5 millions de tonnes et pourrait atteindre 40 millions de tonnes en 2020.

Selon le ministre, le Congo qui est le premier pays d'Afrique centrale à lancer cette grande culture d'huile de palme, "doit être motivé par cette embellie internationale". Le pays qui avait d'importantes plantations de palmiers à huile dans les années 1980-1990, s'était retiré de cette filière dont les travailleurs attendent encore des arriérés de salaires impayés.

Grâce à ce projet, le Congo compte limiter aussi ses importations d'huile de palme, estimées, à 25.000 tonnes par semestre, selon la douane congolaise. La majeure partie vient de la République démocratique du Congo.

Le président-directeur-général de 'Atama Plantation', Leong Kian Ming, souligne, par ailleurs, que la biomasse générée par les déchets de noix de palme permettra de produire 6,5 mégawatts d'électricité par an. Au Congo, l’accès à l’électricité en milieu rural n’est encore que de cinq pour cent.

Malgré toutes ces opportunités et le très faible taux de 0,2 pour cent de la déforestation au Congo, les acteurs de la société civile estiment que la destruction de plus de 180.000 hectares de forêts causera un impact négatif sur le climat dans cette région.

Selon Jean François Nkombo, du Centre d'études et de recherches végétales de Brazzaville, lorsqu'on rase la forêt, le réchauffement attaque directement le sol à découvert. "Même s'il faut reboiser, l'impact est que le climat se réchauffera plus vite que par le passé", explique-t-il à IPS.

"La destruction à perte de vue de nos forêts nous amènera à chasser et à cultiver très loin de nos villages", affirme Jules Itoua, un habitant de Yengo, ajoutant avec regret: "Ils nous ont presque chassés d'ici sans le déclarer".

Activiste des droits de l'Homme, Christian Mounzéo plaide pour la prise en compte des intérêts des populations riveraines. "Les priver de terre, c'est les condamner à mourir de faim. Ce qui fait vivre nos marchés, c'est l'agriculture des paysans et non les industries", déclare Mounzéo qui appelle les autorités à faire participer les populations à ce projet.
Kevin Mviri, acteur du suivi des Accords de partenariat volontaire sur les forêts, indique à IPS: "Il faut faire un développement durable et non destructeur. Le gouvernement doit se préoccuper de l'équilibre social et environnemental dans cette zone et non se précipiter à détruire des écosystèmes".

Sur la base des informations recueillies sur les sociétés malaisiennes, Gaspard Ickounga de "Congo Terre bénie", une association basée à Brazzaville, craint de graves conséquences à la suite des activités de 'Atama Plantation'. «Ces gens-là ne respectent pas la nature ni les populations autochtones. Le Congo traite vraiment avec de mauvais partenaires, car partout où ils passent, ils ne laissent pas bonne impression», déclare-t-il avec force.

Au lancement officiel des plantations de Yengo, le 29 mai, le patron de 'Atama Plantation' avait rassuré les autorités qu’il prendrait en compte les doléances des populations. Mais, il ne convainc pas Isidore Tonga, environnementaliste originaire de cette région, qui dit craindre même la disparition de la riche biodiversité de Yengo.

"A cause des herbicides comme le paraquat et le glyphosate que les Malaisiens utilisent souvent, nous allons voir disparaître 20 pour cent de la superficie d'une zone riche en biodiversité faunique et floristique", avertit Tonga, appelant les autorités "à mettre fin à ce projet".

Soutenant l'action du gouvernement, Didier Clotaire Boutsindi, président de l'Association pour la reconstruction et le développement social du Pool (région du sud du Congo), dénonce "l'attitude apatride" des activistes qui rejettent le projet.

"On ne détruit pas pour détruire, mais pour faire du développement et donner du travail aux jeunes. Des études d’impact ont été menées sur Yengo. Ceux qui gesticulent parlent des choses qu'ils ne maîtrisent pas", affirme Boutsindi.
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