Argentine: les Mapuches face aux Benetton

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Atilio Curiñanco et sa femme Rosa Nahuelquir, un couple très pauvre, défient les Benetton en occupant une parcelle de leur domaine, revendiqué par les Indiens mapuches. Photo: Olivier Ubertalli, collaboration spéciale

Cyberpresse.ca |  le 06 juin 2011

Olivier Ubertalli, collaboration spéciale
La Presse

(El Maïten, Argentine) En Patagonie, une poignée d'Indiens mapuches revendiquent des terres achetées par la famille italienne Benetton. Une mauvaise publicité pour ces fabricants de vêtements, dont le slogan «Toutes couleurs unies» fait la promotion du respect des différences.

El Maïten La silhouette trapue et le teint brun, Atilio Curiñanco se tient sur le bord de la mythique route 40, qui longe la cordillère des Andes. Le Mapuche nous reçoit avec sa femme, Rosa, dans une bicoque de torchis et de tôle. Dehors, quelques poules et quelques moutons s'agitent autour d'un potager. Voilà neuf ans que ce modeste couple occupe une parcelle située sur le domaine des plus grands propriétaires d'Argentine: les Benetton.

«Cette terre appartient à la communauté mapuche, assure Atilio. Mes parents sont nés ici, tout comme moi. Et ces riches Italiens m'accusent d'être un usurpateur!»

La police a expulsé les Mapuches en 2002. La justice a reconnu la validité des titres de propriété que les Benetton ont rachetés dans les années 90. Malgré cela, les Indiens sont revenus en 2007.

Superficie du Liban

En face, le domaine des Benetton s'étend à perte de vue. Ils possèdent 1 million d'hectares en Argentine, soit la superficie du Liban. Ils ont 16 000 vaches et 250 000 moutons, qui fournissent la laine des célèbres pulls Benetton. «Je ne vois presque aucune bête sur leurs propriétés, fulmine Rosa. Ils mentent quand ils disent qu'ils travaillent la terre.»

Plus que la laine, les joyaux du royaume Benetton sont la culture de céréales et la production de bois. «Benetton est un acteur incontournable qui nous a donné un gymnase et nous offre de la viande si nous en avons besoin», plaide Juan Cociolo, maire du village El Maïten.

Un couple Mapuche face aux Benetton, c'est un peu David contre Goliath. C'est surtout une mauvaise publicité pour les Italiens, qui dépensent une fortune pour porter leur slogan «Toutes couleurs unies» censé véhiculer l'image d'une entreprise responsable et multiculturelle.

L'Argentin Adolfo Pérez Esquivel, lauréat du prix Nobel de la paix 1981, a accusé Luciano Benetton de s'être «servi de l'argent et de la complicité d'un juge sans scrupule pour retirer des terres à une famille humble de Mapuches». L'Italien a rétorqué: «C'est ingrat de décrire nos estancias comme des latifundiums médiévaux improductifs et de nous comparer à des seigneurs féodaux.» Pour preuve de sa bonne foi, il a proposé des terres aux Mapuches, mais ce don ne s'est pas encore concrétisé.

Les Italiens gardent par ailleurs closes les portes de leurs domaines. «La famille veut garder profil bas», s'excusent Carina Cardenas et Diego Campal, responsables des communications des Benetton. «Il s'agit d'un investissement productif, ajoutent-ils. Vous savez, la société a tenté de donner des terres aux Mapuches. Nous ne sommes qu'une victime de plus dans cette affaire.»

Sujet délicat

La revendication de terres ancestrales est un sujet extrêmement délicat en Argentine. Une loi interdit toute expulsion et ordonne de faire un relevé afin de donner des titres de propriété collective aux communautés autochtones d'ici à 2013.

Le mois dernier, la présidente Cristina Kirchner a présenté un projet de loi qui interdirait à tout étranger d'acheter plus de 1000 ha de terre. «Il ne s'agit pas tant d'étatiser que de protéger nos terres rurales, qui représentent au XXIe siècle une ressource stratégique et non renouvelable», a expliqué la présidente.

Il reste que la future loi ne sera pas rétroactive. Ceux qui ont déjà acheté des terres, comme les Benetton, le créateur de CNN, Ted Turner, ou l'acteur Richard Gere, peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles.

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