L'Afrique aiguise les appétits

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Nestlé doit investir 1 milliard de dollars sur le continent d'ici à 2013.
(Photo: Nestlé)

Jeune Afrique |  02/03/2011

Par Michael Pauron

Fusions-acquisitions, achats de terres, coentreprises… Le continent attire des investisseurs venus de toute la planète, assurés d’y trouver la réponse à des besoins mondiaux en nourriture qui ne cessent d’augmenter. Tour d’horizon d’un grenier en devenir.

Sucre, huile, cacao… pas une matière première produite sur le continent n’échappe aux appétits des grands groupes mondiaux. Fusions-acquisitions, achats de terres, coentreprises… Le secteur est en pleine mutation. ADM, Nestlé, Olam, Wilmar, Cargill, Bunge… Américains, Européens, Asiatiques… tous sont présents et, pour certains d’entre eux, 2010 a été l’année de la conquête africaine.

Parmi les dernières opérations en date, celle du leader de la bière en Afrique, le français Castel, qui a racheté le 3 janvier 45 % du capital du groupe agro-industriel Somdiaa, présent dans l’activité sucrière au Congo-Brazzaville, au Cameroun et au Tchad. Objectif : constituer un champion de l’agro-industrie en zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).

De fait, le sucre, porté par des cours à la hausse, fait l’objet d’une série d’opérations depuis quelques mois sur le continent. Le français Cristal Union a ainsi réalisé son premier investissement africain en Algérie, en lançant la construction d’une raffinerie près d’Alger avec son homologue local La Belle. Face à une surproduction européenne, investir hors du Vieux Continent permet notamment au groupe français d’échapper à la quasi-interdiction d’exportation imposée par Bruxelles.

Des besoins colossaux

Les opportunités de business sont réelles et répondent autant à des besoins d’investissement locaux qu’à une nécessité de trouver de nouvelles ressources pour satisfaire une demande mondiale croissante. Selon les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), rien qu’au sud du Sahara, le montant global cumulé des investissements agricoles devrait s’élever à 940 milliards de dollars d’ici à 2050 (environ 700 milliards d’euros), dont 66 % affectés à l’agro-industrie : 207 milliards pour le premier stade de transformation, 159 milliards pour les installations des marchés ruraux et de gros, 115 milliards pour les sources d’énergie et matériels divers, 78 milliards pour les dispositifs de chaîne de froid et d’entreposage, et 59 milliards pour la mécanisation.

Les besoins sont colossaux. « Le développement de l’agro-industrie en Afrique exigera une injection massive d’investissements en capital fixe et de fonds de roulement », relève dans son programme-cadre l’Initiative pour le développement de l’agrobusiness et des agro-industries en Afrique (ID3A). En ligne de mire : les investisseurs privés.

Le leader mondial de l’alimentaire Nestlé a pris acte. Non seulement le groupe suisse (2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Afrique) compte sécuriser ses approvisionnements afin de baisser et de stabiliser le prix de ses matières premières, mais il veut aussi pouvoir bénéficier de la montée en puissance des classes moyennes pour écouler ses produits.

Conséquences : le groupe investira 1 milliard de dollars d’ici à 2013, tant dans des usines de transformation (Ghana, Algérie, Nigeria, RD Congo, Angola, Mozambique…) que dans les filières de production (« plan Nescafé » et « plan cacao »). Avec pour objectifs de fidéliser les planteurs et de leur acheter en direct (Cargill étant aujourd’hui son principal fournisseur), d’ici à 2015, près de la moitié de ses approvisionnements, soit 23 000 t sur 50 000. Sa dernière ouverture d’usine, en février au Nigeria, a nécessité un investissement de 94 millions de dollars. Et la prochaine, à la fin du mois en RD Congo, représente un coût de 40 millions de dollars.

Face au groupe suisse, l’offensive la plus impressionnante vient à n’en pas douter d’Asie. Avec huit opérations en un an, le singapourien Olam réalise déjà près de 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires sur le continent.

Dans son sillage, son compatriote Wilmar (près de 30 milliards de dollars de capitalisation boursière) tente aussi de s’imposer comme acteur de premier plan en Afrique. En décembre 2010, le groupe spécialisé dans l’huile de palme a annoncé la création de deux coentreprises au Nigeria avec l’anglais PZ Cussons. Une raffinerie d’huile de palme et une branche de distribution (notamment de margarine) mobiliseront quelque 27,5 millions de dollars côté Wilmar et 27 millions côté PZ Cussons. En février, la multinationale s’est en outre payé le ghanéen Benso Oil Palm Plantation (détenu à 58,45 % par l’américain Unilever), pour 14 millions d’euros.

Et ce n’est pas fini. C’est dans le Liberia voisin que le malaisien Sime Darby est venu s’installer – pour la première fois en Afrique – pour planter 10 000 ha (sur une concession de 220 000 ha d’une durée de soixante-trois ans) et investir plus de 16 millions d’euros.

Un réservoir pour la Chine

Le géant chinois ne pouvait rester inactif. Olives tunisiennes, café ougandais, huile d’arachide sénégalaise, graines de sésame éthiopiennes… Pékin, dont la demande intérieure de produits alimentaires ne cesse de croître et les surfaces de production, de se raréfier au profit de zones industrielles, est dans un premier temps devenu un client glouton. Mais l’idée de l’empire du Milieu est aujourd’hui de profiter des besoins africains en financements et en technologies pour s’imposer comme producteur, et s’affranchir ainsi des intermédiaires tout en augmentant ses approvisionnements made in Africa.

Aujourd’hui, les ressources primaires – pétrole et mines – représentent 90 % des importations chinoises en provenance du continent, contre seulement 3 % pour l’agrobusiness. « L’Afrique peut devenir un réservoir de nourriture pour les 1,3 milliard de Chinois », estime Andrew Leung Kinpong, analyste du quotidien South China Morning Post (Hong Kong). De fait, le mouvement est déjà amorcé : les exportations agroalimentaires de l’Afrique du Sud (deuxième pays africain partenaire de Pékin après l’Angola) vers la Chine ont plus que doublé en 2010 par rapport à 2009, pour atteindre plus de 65 millions de dollars. Européens et Américains n’ont qu’à bien se tenir.

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