Sénat en action : Après les vignobles, les chinois achètent en toute discrétion des terres agricoles

Sénat en action | Le 01.07.2016

Sénat en action : Après les vignobles, les chinois achètent en toute discrétion des terres agricoles

Faustine Saint Geniès

L’air pensif, il observe les champs à l’horizon. Cet agriculteur berrichon est sous le choc. En septembre dernier, son voisin, en grande difficulté financière, a vendu son exploitation à des investisseurs chinois. « Ce sont des bouts de France qui partent à l’étranger », s’étrangle-t-il. «Il faut vraiment être vigilant, surtout si ça prend beaucoup d’importance ». Et il ne croit pas si bien dire. En moins de deux ans, 1 700 hectares de terres agricoles sont passées sous pavillon chinois, une première en France. Des exploitations qui s’achètent à prix d’or. Après les vignobles prestigieux, les terres agricoles françaises sont-elles devenues un placement comme un autre ? Vous allez découvrir que ces investisseurs opèrent dans le plus grand secret, profitant de certaines failles de la loi. Qui sont-ils, quelles sont leurs intentions ?

Nous avons enquêté pendant un mois pour comprendre ce qui se cache derrière ces transactions.



Ombre chinoise sur les terres françaises... par publicsenat

Des prix déconnectés du marché

Ce qui attire d’abord l’attention c’est le prix, souvent déconnecté du marché. « Aujourd’hui pour acquérir, ces sociétés sont prêtes à mettre beaucoup plus cher, entre deux et trois fois plus cher que le prix du marché, [le prix moyen à l’hectare est de 5 000 euros dans l’Indre ndlr]. Donc vous imaginez qu’en plus on est en train de modifier complètement l’équilibre qui s’était fait et donc la compétitivité de l’agriculture française, » nous explique Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer, l’organisme chargé de surveiller les transferts de propriétés dans le foncier agricoles pour le compte de l’Etat.  Ces transactions ont échappé au contrôle des pouvoirs publics. Comment ? En exploitant une faille dans le mécanisme des Safer. Les investisseurs n’achètent pas les terres elles-mêmes mais des parts sociales des exploitations, passant ainsi entre les mailles du filet.

« Une génération complète d’agriculteurs flinguée »

Alerté, le ministre de l’agriculture a lancé une enquête, qui remettra ses conclusions en septembre. Stéphane Le Foll redoute que cela ne mette en péril l’installation de jeunes agriculteurs : « Jusqu’ici la France est un pays qui installe beaucoup encore de jeunes agriculteurs et c’est tant mieux, et ça doit le rester. L’intérêt stratégique pour le ministre de l’agriculture aujourd’hui c’est de garder tous les moyens qui permettent demain d’installer des jeunes agriculteurs. »

Les conséquences se font déjà sentir. Cécilia Audoux, productrice de safran dans le Berry en a fait les frais. Cette jeune trentenaire a voulu agrandir son exploitation il y a quelques mois, elle est tombée des nues lorsque son voisin lui a demandé 20 000 euros pour un hectare de terre. « Ce n’est pas ça que j’avais envisagé en m’installant au milieu d’un champ en haut d’une butte, deux fermes côte à côte. Ce n’est pas comme ça que j’envisageais ma vie. Je ne suis pas partie d’un centre ville pour acheter au milieu des champs et voir les choses virer comme ça », se lamente-t-elle.

« C’est une génération complète d’agriculteurs qu’ils sont en train de flinguer. Dans 20 ans, nous on récupérera quoi ? Nos enfants ils auront quoi ? »

Depuis la crise financière de 2008, la terre fait office de valeur refuge. Un peu comme l’or.

Dans le même temps, certains pays comme la Chine souhaite sécuriser leurs approvisionnements en matières premières. Avec seulement 8 % des terres cultivables pour nourrir 20% de la population mondiale, depuis une dizaine d’années, l’Etat comme les investisseurs chinois achètent des terres un peu partout dans le monde, principalement en Asie du Sud est, en Afrique, en Océanie et désormais en Europe.

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