France : pourquoi les Chinois achètent nos champs

Le Parisien 30 juin 2016

Agriculture : pourquoi les Chinois achètent nos champs

Bérangère Lepetit

FAIT DU JOUR. L'achat par des investisseurs chinois, l'hiver dernier, de champs dans le Berry suscite l'émoi d'élus locaux et de la FNSEA, le principal syndicat de la profession.


Indre : ces terres agricoles rachetées par la... par leparisien

Et voilà que l'empire du Milieu s'accapare nos terres ! Après les acquisitions récentes du Club Med, la participation au sauvetage de PSA ou le rachat des pépites du prêt-à-porter parisien Maje, Sandro et Claudie Pierlot, un fonds d'investissement chinois vient — qui l'eût cru ? — de mettre la main sur 1 700 ha où ondulent blé, orge et colza en rase campagne. De vastes champs en pleine terre berrichonne connue pour son fromage de chèvre. D'autres projets de rachats seraient en cours dans la région.

« Après l'Allemagne, la Chine parie désormais sur la France avec un fort intérêt pour le boeuf, le porc, le poulet ou encore le lait, les céréales. L'alimentation française bénéficie d'une image d'excellence dans un pays où la classe moyenne ne veut plus des scandales alimentaires à répétition », décrypte Emmanuel Gros, vice-président de la chambre de commerce française en Chine et dirigeant chez B & A Investment Bankers, une banque d'affaires internationale.

La tendance risque de s'amplifier. D'après une étude récente du cabinet américain Baker & McKenzie, l'Europe est devenue en 2015, devant l'Amérique du Nord, l'une des principales cibles des investissements chinois dans tous les secteurs. L'an dernier, 20,7 Mds€ ont été investis sur le continent. Et la France ? Les Chinois y ont investi 7,2 Mds€ entre 2000 et 2014. Dont une (petite) partie dans l'agriculture. Dans l'Indre, le groupe industriel China Hongyang achète depuis janvier des surfaces importantes de terres céréalières et la pilule a parfois du mal à passer. D'autant plus qu'il paie l'hectare jusqu'à trois à quatre fois le prix du marché. Certains agriculteurs y voient une opportunité : dans l'Indre, les élus des communes concernées ont reçu des dizaines de coups de fil d'exploitants endettés, aux quatre coins de la France, désirant vendre leurs terres et leurs fermes à ces si généreux financiers chinois. La machine à fantasmes s'emballe.

Côté chinois, quel est l'intérêt ? C'est bien simple, avec plus de 20 % de la population mondiale sur un territoire qui ne compte que 8 % du total des terres cultivables du monde, le géant asiatique a besoin de s'approvisionner à l'étranger et, si possible, avec des produits de qualité. Or, en Chine, les aliments français ont la cote. Echange de bons procédés ? Pas si simple. L'arrivée des Chinois dans le Berry questionne et divise le monde rural qui s'inquiète qu'un jour l'ensemble des récoltes ne parte directement en Asie.

« Un Chinois s'intéresse à un lopin de terre et c'est le branle-bas de combat ! ironise Emmanuel Gros. La terre n'est pas délocalisable et vu sa situation économique, les chances sont infinitésimales que la France devienne comme l'Afrique le grenier de la Chine. Cela va dynamiser le territoire en développant le tourisme et créer des emplois », veut-il croire.

Certes, mais l'acquisition dans le Berry ne s'est pas faite totalement dans les règles de l'art. Le groupe China Hongyang n'a racheté que 98 % des parts des exploitations berrichonnes et ce par l'intermédiaire d'un homme d'affaires très discret, Marc Fressange fondateur de Wanadoo et de Ouhlàlà, une entreprise spécialisée dans la commercialisation de vin français en Chine (sollicité à plusieurs reprises, celui-ci n'a pas donné suite à nos demandes d'interviews). L'administration s'est d'ailleurs saisie de ce dossier. Entrée en vigueur le 1er avril — soit avant le rachat des terres du Berry — la loi d'avenir sur l'agriculture impose en effet (article 29) à tout nouveau propriétaire d'obtenir l'autorisation du préfet avant toute exploitation de terres. En se basant sur cette loi, l'Etat vient de déposer deux mises en demeure aux propriétaires chinois de l'Indre pour leur interdire de poursuivre leurs semis... N'est-ce pas là un exemple de patriotisme économique mal placé ? Pour la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, le problème est celui de l'installation de jeunes exploitants français, rendue forcément plus compliquée par l'arrivée de richissimes investisseurs et la spéculation qui peut en découler.

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