France: le vignoble bordelais attire les investisseurs mais fait flamber le foncier

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Aux côtés des étrangers, des grandes fortunes françaises achètent des propriétés viticoles.

RFI | le 05-05-2016

France: le vignoble bordelais attire les investisseurs mais fait flamber le foncier

Par Agnieszka Kumor

Depuis des siècles le vignoble bordelais attire des investisseurs. Aux côtés des étrangers, des grandes fortunes françaises achètent des propriétés viticoles. C’est à la fin des années 1980 que la vente de plusieurs domaines pour des prix mirobolants attire l’attention des médias. Qui sont les nouveaux acquéreurs ? Des compagnies d’assurance, comme les AGF, la Compagnie du Midi puis AXA, mais aussi des mutuelles ou encore des organismes de crédit. Depuis, le mouvement qui a porté les investisseurs français vers le Bordelais, n’a pas cessé. Ces acteurs individuels ou institutionnels placent une partie de leurs actifs dans le vignoble. La région profite de ces achats, mais certains domaines risquent d’y perdre leur caractère familial. Le foncier flambe, et avec lui les droits de succession.

La dernière grosse vente d’un château bordelais remonte à 2012. Il s’agit du château Calon Ségur, troisième cru classé. Ce joyau de Saint-Estèphe a été vendu par la famille Capbern Gasqueton, propriétaire du domaine depuis le milieu du XIX siècle, à la société Suravenir Assurances, filiale du groupe Crédit mutuel Arkéa. Le montant de la transaction : 170 millions d’euros pour une propriété de près de 90 hectares. Un montant spectaculaire, certes. Mais cette tendance à la hausse est-elle toujours d’actualité ?

Les terroirs convoités

« La situation est contrastée d’une appellation sur l’autre », estime Michel Lachat, directeur du service départemental de la Gironde à la Safer Aquitaine Atlantique, spécialiste du foncier rural. Dans les appellations génériques, bordeaux et côtes de bordeaux, les prix sont stables depuis trois ans. « Ils sont même descendus à un niveau historiquement bas, ayant baissé depuis les années 2000 de 45 000 euros l’hectare à 15 000 environ », note-t-il. Des appellations génériques, qui représentent l’essentiel du vignoble bordelais, soit 80 000 hectares sur les 116 000 que compte aujourd’hui cette région. En revanche, sur les appellations prestigieuses c’est tout autre chose. Il s’agit notamment des domaines médocains qui produisent des crus bourgeois, des vins de grande qualité issus de la distinction introduite en 1932, mais aussi des grands crus classés issus, ceux-là, de la fameuse classification historique de 1855. Sur ces propriétés, la tendance est à la hausse.

« C’est sur Saint-Emilion que les prix progressent le plus grâce à une demande toujours supérieure à l’offre. Les prix vont de 230 000 euros l’hectare à 2 millions », estime Michel Lachat de la Safer. Même progression sur Pomerol (1,1 million d'euros), Lalande de Pomerol (200 000 euros), Canon Fronsac (80 000 euros) et Fronsac (30 000 euros). Hausse spectaculaire de prix également sur la rive gauche avec 1,2 million euros à Saint-Julien et à Margaux, où les prix ont augmenté de 20% par rapport à 2013. On paye 2 millions d’euros l’hectare de vignes à Pauillac. Là-bas, les prix ne bougent plus. Pareil pour Saint-Estèphe où il faut tout de même débourser 350 000 euros pour acheter un hectare de vignes. Outre ces appellations communales, l’appellation générique Haut-Médoc a une très bonne image à l’international. Nombreux sont les opérateurs qui s’intéressent à cette appellation. Résultat : une hausse de 6% du prix des vignes en deux ans. Il faut payer 80 000 euros l’hectare.

La tendance à la hausse dans les crus bourgeois et les grands crus pose un problème non seulement aux vignerons locaux, mais aussi aux investisseurs, eux-mêmes, qui veulent agrandir leurs domaines. Mais cette flambée du foncier est aussi à l’origine de problèmes de succession pour de nombreux domaines familiaux.

Faciliter la succession

L’un des moyens d'y faire face est de constituer un Groupement Foncier Viticole, c'est à dire une société dont l’objet est de posséder des vignes. Il y a plusieurs actionnaires, chacun achète des parts à ce GFV, le cumul des sommes misées permet de payer les membres de famille qui veulent sortir de la propriété. L’exploitation est confiée, par bail à long terme, à un exploitant choisi. Par exemple à un membre de la famille qui, lui, veut rester et possède un savoir-faire pour continuer le travail. Le loyer est payé aux actionnaires en argent et en bouteilles de vin. Voici un investissement de plaisir, alternatif, et qui permet des avantages fiscaux liés à la transmission de patrimoine.

C’est le choix qu’a fait Jean-Michel Bonnichon en s’associant avec son cousin et œnologue, Jean-Noël Doublet, afin de garder le domaine familial. Aujourd’hui, le GFV Château la Renommée à Saint-Emilion rassemble une cinquantaine d’actionnaires. Ils ont entre 23 et 88 ans, et disposent de 1 à 30 parts. Le projet a été lancé en 2013, avec le gros des acquisitions effectuées en 2014.

D’autres acteurs de la filière agricole commencent à s’intéresser au financement de la viticulture. Par exemple le groupe Labeliance Invest qui investit dans le capital d’une propriété pour aider aux projets d’installation et de développement. Cet outil permet également de fluidifier des successions familiales.

Ce qui fait un grand vin, c’est son équilibre. L’appétit des investisseurs pour le bordelais ne cesse de grandir. Il serait souhaitable que les propriétés familiales, qui ont depuis des générations bâti ce vignoble, puissent rester dans son cœur historique. Le mot équilibre prendrait alors tout son sens.

  •   RFI
  • 06 May 2016

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