Le Qatar pousse la balle en terrain agricole

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Le domaine de Thiverval-Grignon abrite un arboretum de la fin du XIXe siècle, ainsi qu’une zone naturelle d’intérêt écologique. Photo : Laurent Bourcier
L'Humanité |  11 mars 2016

Le Qatar pousse la balle en terrain agricole

Marie-Noëlle Bertrand

Le PSG rêve du site idéal pour son futur centre d’entraînement ; l’État veut vendre le domaine de Thiverval-Grignon. La conjoncture met en alerte les défenseurs de ce haut lieu de l’histoire agronomique et géologique.

Accaparement de terres, mise en péril de zones naturelles remarquées ou privatisation de patrimoines publics ? Dans tous les cas, la fronde continue de monter contre le projet de vente au Qatar du domaine d’État de Thiverval-Grignon, dans les Yvelines. Où en est le dossier ? Personne ne le sait plus trop. Quelles en sont les clauses ? Nul ne peut l’affirmer. Ce qui est sûr, c’est que l’idée ne passe pas. Une pétition revendiquant de conserver le site dans le domaine public a recueilli plus de 16 000 signatures, depuis novembre 2015 que l’affaire a percé. Et une marche est programmée samedi, sur place (1), par un collectif regroupant associations et riverains.

Le site – près de 300 hectares de verdure qui abritent, entre autres, plusieurs essences rares et un château du XVIIe siècle bâti dans le pur style Louis XIII – compte parmi ceux que vise le PSG pour installer son futur centre d’entraînement. Plus qu’un complexe sportif, le club, racheté en 2011 par le Qatar, rêve de se payer un temple. On dit que son projet s’inspire du nec plus ultra existant, avec pour ambition de faire mieux. On parle d’un cahier des charges incluant la réalisation de 18 terrains de foot, d’un complexe hôtelier, d’un stade de 5 000 places et d’un parking de 1 000 places. On évoque, aussi, une facture totale de 300 millions d’euros dont serait prêt à s’acquitter le Qatar pour offrir et aménager ce nouvel écrin à ses investissements footballistiques. Lui reste un détail à régler : trouver le bon emplacement, pas trop éloigné de Paris mais suffisamment aéré.
« Le domaine de Grignon, c’est d’abord deux cents ans d’histoire agronomique »

Après quelques déboires, Jean-Claude Blanc, directeur général adjoint du PSG, a mis la main sur le lieu idéal. Le domaine de Thiverval-Grignon dispose de l’espace, du cadre et de plusieurs bâtiments prêts à l’emploi. Cerise sur le ballon : actuellement occupé par AgroParisTech, école supérieure d’agronomie, il doit être entièrement libéré à la faveur du déménagement de celle-ci d’ici à 2020 vers Saclay, dans l’Essonne. Le timing est parfait : le ministère de l’Agriculture, propriétaire du site, cherche à vendre ; le PSG cherche à acheter. L’affaire semble dans le sac, et la France prête à revendre aux rois du Qatar ce qu’elle avait repris aux siens, un siècle et demi plus tôt. Et c’est bien là ce qui coince, notamment.

« Le domaine de Grignon, c’est d’abord deux cents ans d’histoire agronomique », explique Joël Dine, porte-parole du collectif pour le futur du site de Grignon et lui-même ancien élève d’AgroPariTech. Celle d’un château et d’un parc acquis par le roi Charles X et concédés par lui à une société ayant mission d’enseigner les bonnes méthodes agricoles. En 1827, naît ainsi l’Institution royale agronomique de Grignon. En 1832, l’État reprend le domaine. En 1848, la Chambre des députés en fait l’une des premières écoles régionales d’agriculture, où se formeront des milliers d’ingénieurs agronomes – « Moi, j’étais de la 138e promo, celle de 1963 », relève au passage Joël Dine. Ce n’est pas tout. « Le site abrite un arboretum de la fin du XIXe siècle, ainsi qu’une zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique », poursuit le porte-parole. Et plus encore : il est le siège d’un site géologique mondialement réputé. Inscrit à la liste des sites prioritaires dans le cadre de la stratégie concertée des aires protégées mise en œuvre par l’État, regorgeant de plus de 1 000 espèces de fossiles parmi les plus rares au monde, « la Falunière fait l’objet de nombreuses visites lors de congrès internationaux et de multiples travaux scientifiques depuis deux siècles », relève ainsi le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel d’Île-de-France, qui plaide pour que l’État garantisse sa protection. Depuis novembre 2015, celui-ci semble devenu coi. La municipalité de Thiverval-Grignon dit avoir eu son ultime dialogue avec le ministère de l’Agriculture à cette date. Le ministère des Finances, qui chapote France Domaine, ne donne plus de nouvelles. « Pour l’heure, la vente reste officieuse, note Joël Dine. Comme pour toute vente publique, il devrait y avoir appel d’offres. Or, il n’y en a pas eu. » Le tout est de savoir quelle conclusion en tirer.

L’amorce d’un contre-projet. Que faire du domaine de Thiverval-Grignon après le déménagement d’AgroParisTech ? Le collectif pour le futur de site voit grand. En guise de contre-projet à sa privatisation, il avance celui d’en faire un centre international d’échanges et de formation pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement de demain, dans le cadre du changement climatique. Encore à l’étude, l’idée vise à optimiser la diffusion et l’enseignement des nouveaux modes de consommation et de vie. « L’État se repose encore trop sur les associations, note Joël Dine, porte-parole du collectif. Il a là l’opportunité de faire plus. »

(1) Rendez-vous à 11 heures, sur le parking de l’école.
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