Pourquoi des Chinois achètent-ils nos terres?

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Même s’il est situé loin au nord de Montréal, le Témiscamingue jouit d’un microclimat favorable à l’agriculture. Des Chinois ont tenté d’acheter la terre de Michel Ten Have (photo) située à Lorrainville.
Le Journal de Montreal | 27 janvier 2016

Pourquoi des Chinois achètent-ils nos terres?

Après avoir investi dans l’immobilier de luxe et le Plan Nord, ils se tournent vers l’agriculture

David Prince

ROUYN-NORANDA | Des investisseurs d’origine chinoise veulent acheter des terres agricoles à 700 kilomètres au nord de Montréal afin d’exporter de la luzerne séchée par bateau en Chine.

L’entreprise Mapleville, dont les dirigeants sont des Chinois d’origine, a déjà signé des promesses d’achat visant 3300 acres de terres avec quatre agriculteurs du Témiscamingue, une région dévitalisée qui compte 15 000 habitants sur un territoire grand comme le Koweït.

Ils sont attirés par des terres environ 15 fois moins dispendieuses qu’en Montérégie. Ils ont l’intention d’engager une entreprise québécoise pour cultiver les terres. Leur production serait ensuite séchée et envoyée en Chine par bateau.

Depuis de nombreuses années, le monde agricole est inquiet de l’arrivée d’entreprises chinoises dans l’agriculture québécoise. Toutefois, selon nos informations, c’est la première fois qu’une démarche d’achat est aussi avancée.

À l’automne, Le Journal révélait que des investisseurs chinois avaient acquis le quart des maisons les plus luxueuses en vente à Montréal. Les investisseurs chinois sont également très actifs dans le développement du Plan Nord, mais l'un des investisseurs qui a injecté 100 M$ dans des projets miniers fait face à des accusations de corruption en Chine.

En Mercedes

Plusieurs agriculteurs du Témiscamingue ont reçu la visite d’investisseurs chinois.

«Un homme en complet est arrivé ici en Mercedes avec un traducteur. Ils sont venus me voir et m’ont demandé combien je voulais pour mes terres. Je leur ai dit que je n’étais pas à vendre. L’argent n’avait pas l’air d’être un problème pour eux», a indiqué le producteur laitier de Lorrainville, Michel Ten Have.

Le producteur laitier de Fugèreville, Francis Racine, a également reçu le même genre de visite l’été dernier. Il a aussi décliné l’offre. Selon lui, si le gouvernement ne se rend pas compte du potentiel agricole au Québec, d’autres vont en profiter.

Six familles chinoises

Le directeur de la compagnie qui souhaite acheter des terres au Témiscamingue, Yang Yang, affirme être financé par six familles chinoises qui habitent au Québec. L’entreprise serait liée à Canadian Agri-Food Trading, une compagnie de la Colombie-Britannique qui exporte des produits agricoles canadiens en Chine.

«On veut exporter la production en Chine. On est partenaire avec une compagnie québécoise qui va cultiver les terres», a dit M. Yang.

Selon le président de l’UPA de l’Abitibi-Témiscamingue, Sylvain Vachon, personne ne peut blâmer les gens de vendre leurs terres à des investisseurs étrangers puisqu’il y a peu d’acheteurs locaux, même si à long terme, ça risque de dévitaliser les régions.

La plupart des acheteurs viennent d’ailleurs

Il n’y a pas que les Chinois qui lorgnent les terres de l’Abitibi-Témiscamingue. Selon l’Union des producteurs agricoles (UPA), près de 90 % des superficies vendues depuis 2009 l’ont été à des gens qui n’habitent pas le territoire.

Dans la municipalité de Saint-Bruno-de-Guigues, située à une centaine de kilomètres au sud de Rouyn-Noranda, plusieurs terres ont été vendues à des agriculteurs ontariens et de la Montérégie. «C’est rare qu’une terre qui est à vendre soit achetée par quelqu’un d’ici. Depuis quelques années, on voit une accélération du phénomène», affirme le directeur de la municipalité, Serge Côté.

Le ministre responsable de l’Abitibi-Témiscamingue, Luc Blanchette, soutient que la loi empêche des étrangers d’acheter des terres au Québec. Ils doivent habiter ici depuis au moins trois ans.

«On est en train de faire une analyse de l’ensemble des transactions foncières agricoles faites au Québec. S’il s’est passé des choses au Témiscamingue, on le saura par l’enquête», a-t-il dit.

Dévitalisation

Le président de la Fédération régionale de l’UPA Abitibi-Témiscamingue, Sylvain Vachon, affirme que les gens de la région qui souhaitent faire de l’agriculture ne peuvent pas concurrencer les acheteurs étrangers.

«En ne résidant pas en région, ces financiers ne dépensent pas en région, ils n’inscrivent pas d’enfants dans les écoles et ils contribuent à la dévitalisation des villages. Ils viennent semer au printemps et récolter à l’automne. Ça dévitalise nos régions».

Solution

M. Vachon estime que le gouvernement du Québec a abandonné les agriculteurs et qu’il devrait être plus proactif pour empêcher de brader des terres à des étrangers.

Il suggère de limiter à 100 hectares pour une période de trois ans la superficie que toute personne peut acquérir, ce qui permettrait selon lui de réduire la spéculation.

«Si on avait un environnement d’affaires favorable pour les agriculteurs qui habitent les régions, il y aurait en masse de gens qui voudraient acheter ces terres-là», a dit M. Vachon.


Prix des terres agricoles
  •     Abitibi-Témiscamingue: 1237 $ l'hectare
  •     Saguenay-Lac-St-Jean: 2771 $ l'hectare
  •     Lanaudière: 16 464 $ l'hectare
  •     Montérégie-Ouest: 19 387 $ l'hectare
Source: Financière agricole du Québec

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