À Bornéo, des drones cartographiques contre l’accaparement des terres

Quand les cartes sont produites par des consultants privés et par des services de l’État qui privilégient un « développement » agro-industriel aveugle, les victimes sont les villageois qui se voient spoliés de leurs vergers et de leurs terres communes. Mais certains résistent, et parmi leurs armes figurent les photos aériennes prises avec des drones qu’ils ont eux-mêmes construits. À Bornéo, partons à la découverte de deux initiatives de contre-cartographie. Tout d’abord, dans le Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo, avec Patrick Meier ; en complément, un entretien avec le musicien et militant Jok Jau Evong, au Sarawak (Malaisie), rapporté par Aude Vidal.

Kalimantan, province indonésienne de l’île de Bornéo

par Patrick Meier

Vous prendrez bien un morceau d’Indonésie ? Le gouvernement de ce pays vient de mettre sur pied un « programme de développement accéléré » qui prévoit d’« assigner à chaque province un pôle de développement différent », comme « l’alimentation et l’énergie en Papouasie occidentale, la production d’huile de palme au nord de Sumatra, les activités minières dans le Kalimantan central (Bornéo), etc. »

Certains dénoncent « un programme d’accaparement des terres à l’échelle nationale mené par l’État ». Une composante importante de ce plan est « la marchandisation des terres à travers l’aménagement du territoire », procédure « censée être ouverte, transparente et participative ». La réalité est toute autre : « Les cartes sont faites par des consultants et par des services de l’État qui favorisent les intérêts du capital et des élites locales. » Conséquence, « les concessions sont la plupart du temps accordées sans le consentement (et parfois à l’insu) des communautés locales ».

Ces citations sont extraites d’une brillante étude (ici en PDF) récemment publiée par Irendra Radjawali et Oliver Pye. Les auteurs décrivent l’utilisation de drones pour « créer des cartes de qualité sous le contrôle des communautés capables de s’opposer à l’aménagement du territoire par en-haut (…) une révolution pour le mouvement de résistance cartographique en Indonésie ».

 

« S’attaquer au pouvoir de l’État sur les cartes et ses catégories d’usage des terres en produisant une cartographie des revendications autochtones et locales sur le territoire, voilà qui a donné lieu à un mouvement important en Indonésie. » [NdT : ce mouvement que l’on appelle en anglais counter-mapping — depuis les travaux de Nancy Peluso publiés sur le Kalimantan en 1995 — peut se traduire en français par les mots de résistance ou contestation cartographique / contre-cartographie / cartographie alternative ou subversive.]

Comme les auteurs de cette étude le constatent : « La cartographie doit être comprise comme un processus politique plutôt qu’un simple outil technique. La cartographie, ce n’est pas simplement la façon de produire des cartes, il faut aussi se poser la question de qui produit les cartes, comment les gens y ont accès et comment elles peuvent être utilisées avec des visées émancipatrices. » La résistance cartographique est donc elle aussi un processus politique. Et ce mouvement teste l’usage de drones du peuple (ou drones communautaires) pour étayer leurs actions politiques.

Le premier drone employé par les activistes en Indonésie leur a servi à se procurer des « données spatiales de haute qualité là où l’accès était restreint par les compagnies de sécurité et la police ». Où se sont-ils procuré ce drone ? Ils l’ont fabriqué eux-mêmes, à partir de rien : « Irendra Radjawali a construit son premier drone, sans suivre de formation, en s’informant sur Internet et les forums en ligne. Il s’est procuré la plupart du matériel d’occasion via Ebay. » L’avantage de cette approche do-it-yourself, c’est le coût réduit. Ce drone, couplé à une caméra pour la cartographie, a coûté au final à peine plus de 500 dollars.

 

Suite : http://visionscarto.net/a-borneo-des-drones-cartographiques

    Posted by: Agnès Stienne
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