Projet Daewoo: Les raisons de l’abandon sont multiples

La Gazette | Mercredi, 06 Octobre 2010

Les expériences de Daewoo et de Varun présentent les ingrédients d’une implantation agro-industrielle condamnée à l’échec. Ces éléments d’une stratégie « perdant-perdant » peuvent se résumer en trois points.

Une approche descendante : dans les deux cas, le temps passé aux négociations avec les autorités centrales est nettement plus important que les délais accordés aux discussions avec les populations. Varun a mis plus d’un an pour aboutir à des conventions avec l’État malgache et la région Sofia, mais n’a envisagé qu’une mission de 15 jours, confiée à un bureau d’études, pour négocier des contract farming avec treize organisations paysannes de circonstance. Daewoo a passé avec l’État malgache un contrat de prospection en juillet 2008, contenant des clauses spécifiques de confidentialité, afin de réaliser les repérages de terrain dans la plus grande discrétion.

Un manque d’intérêt pour les négociations foncières locales : des intermédiaires, de compétence variable, ont été recrutés pour négocier les contract farming avec les producteurs. Daewoo a recruté des brigades topographiques chargées de repérer des terrains, sans prévoir de véritable concertation avec les populations. Varun a engagé un sous-traitant pendant quinze jours pour créer treize organisations paysannes et pour faire signer à leurs représentants des contrats avec les autres exploitations familiales sur une superficie totale de 171 000 hectares, ce qui atteste du peu de considération accordée aux populations locales. Demander à treize nouveaux leaders d’organisations paysannes de s’engager à céder des terres durant cinquante ans au nom des autres villageois et de leurs enfants était un projet d’une grande ingénuité. Même avec l’appui des plus hautes autorités, il est clairement apparu que l’implantation d’un tel projet ne pouvait réussir.

Des contrats agraires iniques : les termes des contrats agraires proposés par Varun étaient peu équitables et auraient probablement généré de la pauvreté. Comme cela a pu s’observer dans d’autres régions rurales, des contestations sociales se seraient manifesté de différente manière : occupation de terres, incendies de cultures,...

La faisabilité des deux projets était donc pour le moins incertaine, à moins d’une forte coercition exercée sur les populations. Toutes les parties prenantes  pouvoirs publics, investisseurs, autorités locales… ont perdu beaucoup d’énergie et d’argent dans le montage de ces opérations improbables qui vont durablement traumatiser les habitants de ces campagnes malgaches.

Qu’en est-il des autres investissements agro-industriels et des autres tentatives d’appropriation foncière ?

Outre les cas médiatisés de Daewoo et Varun, Madagascar a été visé par de nombreux projets d’investissement (Ullenberg, 2010). Depuis 2005 et sans prétention d’exhaustivité, 52 projets agricoles portés par des investisseurs étrangers et malgaches ont été annoncés, mais seuls 13 sont encore en cours ...

Les raisons de l’abandon sont multiples.

La première est associée aux réactions sociales et politiques d’opposition provoquées par le projet Daewoo. Les manifestations à l’encontre de ce projet, peu transparent et d’une ampleur telle que les droits des populations locales risquaient fort d’être bafoués, ont conduit à son arrêt (Teyssier et al., 201011). Devant cette mobilisation et le positionnement retenu par la nouvelle autorité politique, certains investisseurs et, en amont, leurs financeurs, ont jugé le climat politique et social du pays peu propice à l’investissement et ont renoncé à leur projet. Leurs doutes portaient en particulier sur les possibilités d’accéder au foncier et de sécuriser leur investissement.

D’autres investisseurs ont revu leur projet en raison de problèmes de financement liés à la crise financière mondiale ou de rentabilité économique non assurée dans un contexte de fortes fluctuations des cours mondiaux (denrées alimentaires, pétrole).

Enfin, quelques projets ont été abandonnés en raison de leur fragilité technique ou managériale. Le projet de Varun s’est arrêté en grande partie parce que l’ingénierie sociale était bancale. Les contrats d’accès au foncier, aux clauses peu réalistes, ont été signés à la hâte avec treize individus désignés par des intermédiaires, sensés représentés des milliers de paysans (Teyssier et al., 2010).

Seuls 25 % sont en cours. Ils ne sont que dans une phase initiale de développement et, pour la plupart, dans des démarches pour accéder au foncier.

Et 30 % sont en préparation. Malgré l’abandon de nombreux projets, la dynamique d’investissement dans le secteur agricole n’est donc pas totalement interrompue. Mais elle change de nature : les investisseurs sont principalement des ressortissants malgaches qui visent des projets à plus petite échelle (11 des 16 projets en préparation). Les investisseurs étrangers attendent une stabilisation politique pour reprendre activement leur projet.

Référence :

Etude financée par l’International Land Coalition (ILC), dans le cadre de l’initiative « Pressions commerciales sur les terres », et le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad).
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